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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/822

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nouveau crucifié dans son vicaire. » S’ils ne pouvaient se dissimuler les erreurs de la politique vaticane, ils les voilaient avec la piété des enfans de Noé. C’étaient vraiment, comme le proclamait Montalembert, des fils combattant pour leur mère et des fils non moins respectueux que tendres.

Puis, en tant que catholiques, comment n’auraient-ils pas eu les yeux ouverts sur les difficultés et les périls que devait entraîner pour la papauté la chute de sa royauté séculaire ? Comment s’étonner qu’ils se soient enrôlés dans cette sorte de croisade de plume qui remuait tout le monde catholique, qu’ils aient combattu au premier rang pour une cause qui, parmi ses défenseurs, comptait à côté d’eux les Thiers, les Guizot, les Villemain ? alors surtout que l’intérêt national leur semblait d’accord avec l’intérêt religieux ; que, dans la jeune unité italienne, ils apercevaient avec M. Dupanloup, dès 1861, « la mère prochaine et très menaçante de l’unité allemande ? » Ce que l’histoire leur pourrait reprocher, au point de vue même des intérêts ecclésiastiques, c’est d’avoir, par l’inflexibilité de leur attitude vis-à-vis des exigences italiennes, par leur zèle filial à tout couvrir et à tout défendre, contribué à maintenir le Non possumus, lequel, en fermant la voie à tout compromis, devait aboutir à l’entière dépossession du pape. Certes, il peut sembler aujourd’hui que d’autres conseils eussent été plus politiques, mais Rome ne les eût pas tolérés ; elle ne s’en fût pas moins tenue au Sint ut sunt ; puis, avant comme après 1870, il eût fallu être aveugle pour ne pas apercevoir combien de difficultés morales et matérielles se dressaient devant toute transaction.

Chose contraire à ce qu’on eût pu prévoir, si les pratiques du gouvernement pontifical à Rome offraient un argument aux contempteurs de toutes les libertés, l’attitude des catholiques français dans la question romaine, leur invincible obstination à défendre le trône pontifical, loin de les éloigner davantage du libéralisme, entretint ou réveilla chez beaucoup d’entre eux le goût de la liberté et des institutions parlementaires. La brusque déclaration de guerre de 1859, l’ambiguïté de la politique impériale dans toutes ces épineuses affaires, ranimaient les défiances contre le pouvoir personnel et contre le maître irrésolu que Montalembert signalait comme le Pilate de la papauté. C’est ainsi qu’en 1863, dans une sorte de consultation sur la conduite à tenir durant les élections, sept des principaux évêques de France, et à leur tête M. Dupanloup, déclarèrent que, dans nos sociétés agitées, la liberté religieuse n’a pas de meilleur appui que les libertés politiques[1]. Les

  1. Déclaration de 15 mai 1863.