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conditions principales et générales : humidité, nourriture, température propice. Une chaude pluie d’orage tombe sur le foin coupé ; de petites mares se forment ; l’eau est tiède, elle a dissous un peu de matière organique et entraîné des germes. Ces germes vont se développer et la vie va pulluler. On verra des bâtonnets, mobiles ou immobiles, des infusoires munis d’un cil vibratile qui s’agite dans le vide et se fixe aux obstacles qu’il rencontre, des kolpodes qui paraissent énormes au milieu de ce petit monde.

Qu’un rayon de soleil tombe sur cette petite mare si rapidement peuplée et que l’eau soit évaporée, toute cette vie va s’arrêter. Les uns se dessèchent simplement, les autres, comme les kolpodes, à mesure que l’humidité cesse, se replient sur eux-mêmes, s’enferment ou plutôt, suivant le terme usité, s’enkystent dans une enveloppe solide, une sorte de cocon dans lequel ils attendent le retour des conditions favorables à leur vie.

Tous ces vivans sortis de la poussière sont retournés à la poussière, mais ils ne sont pas morts pour cela. Les êtres inférieurs sont doués d’une vie intermittente. L’abbé Spallanzani, qui combattait la théorie des générations spontanées en Italie, tandis que l’abbé Needham la défendait en Angleterre, garda pendant sept ans, desséchées, des anguillules du blé niellé, puis il jeta une goutte d’eau sur cette poussière, et il vit les anguillules ranimées s’agiter en tous sens. Les grands animaux passent de la vie à la mort. Les petits peuvent se trouver dans un état de vie latente, état tout semblable à la mort, car ils cessent de se mouvoir, de se reproduire, de se nourrir, de respirer. Entre celui qui pourra ressusciter et celui qui ne le pourra pas il n’y a aucune différence. C’est là l’état des graines : les grains de blé trouvés dans les tombeaux des pharaons n’étaient pas morts ; on leur a fourni de l’air, de l’eau, de la terre végétale, et ils ont germé. Si l’ouvrier égyptien qui les a enfermés là, il y a trois mille ans, avait eu la fantaisie de chauffer légèrement quelques-uns de ces grains, aucun chimiste, aucun micrographe, analysant leur chair, examinant leurs tissus, n’aurait su séparer aujourd’hui ceux où la vie était cachée et ceux qu’elle avait quittés. Cette force étonnante qui va faire sortir une plante et un épi du germe, attirant vers ce germe les substances nourrissantes, l’azote des ammoniaques, le carbone de l’acide carbonique décomposé, et donnant la forme héréditaire à ces matières puisées dans le sol ou empruntées à l’atmosphère, cette forcené se manifeste encore par aucun effet : il est impossible de savoir à l’avance si l’être en est encore doué ou s’il est inerte. Et il ne faut pas dire que, dans le monde minéral, il en est de même des corps qui possèdent la chaleur latente : la mécanique chimique sait aujourd’hui affirmer à l’avance que telle réaction doit absorber de la chaleur et telle autre