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une serre couvrant trois ou quatre ceps et, dès la fin de juin, il enveloppa les grappes naissantes d’un épais manteau d’ouate. La maturation des grappes n’en fût en rien gênée, mais elles mûrirent à l’abri des germes. Elles furent apportées à Paris, découvertes devant une commission de l’Institut, et le jus qu’elles fournirent ne fermente pas. Le raisin, séparé des germes de levure, ne donna point de vin.

Cette expérience, si simple mais si hardie, fournissait aux idées de M. Pasteur une preuve indiscutable. La théorie de Liebig, et celle de l’hémiorganisme, dernier souvenir de la théorie des générations spontanées, étaient également vaincues. M. Pasteur avait démontré que le phénomène était corrélatif à la vie de la levure, et que, si les liquides sucrés n’étaient pas décomposés par cet être vivant, le grain de raisin, ce type des substances fermentescibles, ne fermenterait pas et se conserverait intact, indéfiniment, comme les matières minérales les plus inattaquables.


V.


Les espèces microscopiques jouent dans la nature un rôle immense en opérant la destruction des substances organiques édifiées par la vie et le retour de la matière au monde minéral. Si, au lieu de les considérer à ce point de vue général, on veut rechercher de quelle utilité ces espèces peuvent être à l’homme, on voit que les services rendus sont nombreux. Les méfaits ne le sont pas moins. Nous devons aux infiniment petits toutes les liqueurs fermentées. Nous leur devons aussi cette préparation particulière que subit l’albumine du lait dans la fabrication des fromages. Ce n’est pas tout. On les a montrés agens de nitrification et produisant le salpêtre. M. van Tieghem a donné un nom à une espèce de vibrions qui détruit la cellulose des plantes et travaille pour les amidonniers en isolant les corps qu’ils préparent. D’autres vibrions, au contraire, respectent et isolent la cellulose : ce sont eux qui opèrent le rouissage du chanvre et ne laissent de la plante que les fibres, qui serviront à tisser la toile.

Tous les germes de fermentation ne sauraient nous être utiles. Ce que nous demandons à la fermentation alcoolique, ce n’est pas le retour complet de la matière à l’état minéral. Nous arrêtons l’opération au milieu. Quand il s’agit du sucre, nous voulons en tirer l’alcool, quelquefois l’acide acétique, mais non pas l’acide carbonique et l’eau. Les fermens tels que le mycoderme du vin, qui achèvent la destruction de la matière organique, sont donc toujours nuisibles. En outre, il y a des fermens qui donnent des produits désagréables à notre goût. Le vin peut devenir piqué, tourné,