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été très remarquables : neuf fois sur dix, les torpilleurs ont réussi leurs attaques, et ils ont tiré de ces exercices des règles de stratégie navale que nous ne connaissons peut-être pas, car l’envoyé militaire expédié de Vienne pour assister à ces expériences était un lieutenant-colonel de cavalerie.

Les manœuvres des Russes ont été mieux ordonnées encore que celles des Autrichiens. Ils ont mobilisé au mois d’août dernier tous leurs bâtimens de la Baltique et les ont partagés en deux escadres, qui ont été placées, l’une sous le commandement du vice-amiral chargé de la direction des torpilleurs, l’autre sous les ordres du vice-amiral chargé de la direction de l’artillerie. Ces deux escadres ont été disposées, à un jour donné, à des endroits distans d’une soixantaine de milles, et elles ont commencé l’une contre l’autre une véritable petite guerre : guerre de reconnaissances, guerre de torpilles, attaques de jour, attaques de nuit, attaques des ports et des fortifications par une flotte, tout a été tenté. Des arbitres chargés de juger les coups avaient été désignés par le ministre et se trouvaient répartis sur les divers bâtimens. Nous ne possédons, par malheur, que peu de renseignemens sur ces importantes manœuvres où la lutte du canon contre la torpille s’est produite dans les conditions les plus favorables. Nous savons seulement que, dès les premiers momens, le vaisseau de l’amiral directeur de l’artillerie a été mis hors de combat par une torpille lancée d’un bateau de pêcheurs. Plus tard, la frégate cuirassée Wladimir Monomach, se trouvant subitement en présence de l’escadre ennemie, fut attaquée par ses torpilleurs avec une telle fougue, qu’elle eut à peine le temps d’ouvrir le feu avant d’être atteinte. Le clipper Zemcug, qui défilait avec l’escadre devant les batteries de Cronstadt, donna sur une torpille et fut considéré comme détruit. Cette perte d’un de ses meilleurs navires donna le signal de la retraite de l’escadre, qui se retira vers Riörko-Sund, poursuivie par les canonnières ennemies. Deux torpilleurs furent dirigés vers la canonnière hors de service Ossetr et lui lancèrent des torpilles Whitehead. La première attaque échoua, les torpilles furent perdues ; mais une deuxième tentative eut un plein succès. La canonnière fut mise en pièces par deux explosions formidables. On voit donc que les manœuvres russes ont abouti aux mêmes résultats que les manœuvres autrichiennes. Aussi la Russie a-t-elle une entière confiance dans les torpilleurs et les torpilles ; elle possède déjà plus de cent torpilleurs de 1re classe, et ne cesse d’en construire de nouveaux.

Mais ce sont surtout les expériences allemandes qui méritent d’attirer l’attention. L’Allemagne semble rêver, depuis quelques années, de mettre sa puissance maritime au niveau de sa puissance continentale. Elle a d’abord suivi pour cela la méthode commune, elle a