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contre-coup. Néanmoins, leur emploi n’est efficace que lorsqu’il peut surprendre l’ennemi, soit à la faveur de l’obscurité de la nuit, du brouillard ou de la fumée du tir de l’artillerie, soit en sortant soudainement d’une embuscade. En ce qui concerne les torpilles elles-mêmes, les expériences qu’on a faites avec les différens systèmes ont clairement prouvé que la marine allemande seule possède les engins les plus meurtriers de cette espèce. Elle emploie une torpille inventée par un capitaine de la marine autrichienne. Le secret de l’invention a été acheté par l’amirauté au prix de 225,000 francs, et la marine allemande en poursuit elle-même l’amélioration. Cette torpille a atteint, à l’heure qu’il est, un tel degré de perfection qu’elle constitue une merveille des temps modernes. »

On voit jusqu’où va la confiance, nous dirions presque l’enthousiasme des Allemands pour la torpille. Aussi se préoccupent-ils avant tout de posséder le plus grand nombre possible de torpilleurs. L’année dernière, ils en faisaient construire soixante-dix ; ils en ont porté cette année le nombre à cent cinquante. L’Autriche imite leur exemple ; le ministre de la marine a demandé et obtenu des délégations un crédit de 1,778,000 florins comme premier acompte, pour la construction d’une flotte de soixante-quatre torpilleurs de trois catégories : des torpilleurs pour l’attaque directe, des torpilleurs éclaireurs et des torpilleurs de haute mer, destinés à porter le choc en bataille. L’Allemagne n’a qu’un cuirassé en chantier ; l’Autriche renonce absolument à en construire, elle se borne à préparer de nouveaux avisos. On voit que les leçons des manœuvres ne sont pas perdues pour les deux grands empires alliés. On dit que le même esprit les anime, ou plutôt que c’est à l’instigation de l’Allemagne que l’Autriche a entrepris ses belles expériences de cette année. En vue d’une guerre commune, les deux marines doivent être organisées d’après un plan unique. L’Angleterre et la France s’opposent donc seules au mouvement général. Pourtant la première ne fait déjà plus qu’une faible résistance. Les manœuvres de son escadre de la Manche ont ébranlé les adversaires les plus convaincus de la torpille. Un officier hardi a conduit, sans être aperçu, une flottille de torpilleurs à moins de 400 mètres du vaisseau qu’il devait attaquer et qui s’éclairait de son mieux avec des lampes électriques. Dans un autre exercice, la confusion a été telle, que les vigies ont tiré sur de simples embarcations remplies de promeneurs, montrant ainsi combien il serait difficile à un cuirassé, dans le désordre de la bataille, de distinguer les torpilleurs amis des torpilleurs ennemis et de n’atteindre que ces derniers. Aussi les nouveaux programmes de construction de l’Angleterre comprennent-ils de nombreux torpilleurs, et lord Northbrook a-t-il déclaré, dans une discussion récente que, si l’Angleterre con-