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les députés autonomistes avaient tenu une réunion pour reconstituer leur bureau. M. Parnell fut réélu président et l’on choisit comme vice-président un des membres les plus modérés du parti, M. Justin Mac-Carthy. Dans la discussion de l’adresse, M. Parnell proposa un amendement tendant à blâmer la conduite de l’administration en Irlande et à condamner comme séditieuse l’organisation orangiste. Quoique le rejet de l’amendement fût certain, la discussion dura plusieurs séances et donna lieu à des discours très violons, notamment de la part de MM. Healy et O’Brien. Peu de jours après, dans le vote sur la proposition de censure contre le gouvernement à propos des affaires d’Egypte, quelques autonomistes irlandais votèrent avec l’opposition. La motion fut repoussée par 311 voix contre 262.

Le 17 mars, la fête de Saint-Patrick, le patron de l’Irlande, fut l’occasion d’un banquet dans lequel M. Parnell exposa de nouveau sa politique. L’Irlande, suivant lui, pour obtenir sa liberté, ne doit compter que sur sa persistance et sa résolution. Il faut qu’elle envoie au parlement des députés décidés à profiter de toutes les circonstances pour atteindre ce but. La réforme électorale promise par M. Gladstone est une occasion favorable : il ne faudra pas manquer de l’exploiter. Les Irlandais, au moyen des votes dont ils disposent dans la chambre des communes, peuvent peser tantôt sur le parti libéral, tantôt sur le parti conservateur et se servir de l’un et de l’autre sans se lier à aucun des deux.

Cette tactique fut expérimentée à l’occasion d’une nouvelle motion de censure proposée contre la politique égyptienne du cabinet Gladstone. La motion avait été présentée par sir M. Hicks Beach. Le vote eut lieu dans la séance du 13 mai. Trente et un parnellistes votèrent avec l’opposition. Le gouvernement, par suite de cette manœuvre et de l’abstention d’un certain nombre de libéraux, n’eut qu’une majorité de 28 voix : Les parnellistes avaient seulement voulu faire sentir leur force au ministère ; ils n’avaient pas eu l’intention de le renverser ; car ils attendirent la fin du défilé des votans pour s’assurer que la majorité n’était pas douteuse.

En dépit de cette manœuvre, qui se renouvela plus d’une fois dans le cours de la session, les députés autonomistes ne réussirent pas à faire passer leurs propositions au sujet de l’Irlande. La chambre des communes repoussa une proposition de M. Barry modifiant la loi agraire de 1881 de manière à la rendre encore plus favorable aux fermiers : cette proposition, au sujet de laquelle M. Parnell s’abstint de prendre la parole, réunit une minorité de 72 voix, quelques radicaux anglais ayant voté avec les autonomistes irlandais. On rejeta également une résolution proposée par M.