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autant avons-nous toujours trouvé moins bon que l’on affectât, en l’enveloppant dans le roman, de la rendre amusante. Félicitons donc, M. Jutes Verne, dans son Étoile du Sud et dans son Archipel en feu, comme au surplus dans quelques-uns déjà de ses précédent volumes, d’avoir bien voulu se résigner à n’être enfin qu’un romancier, mais des plus ingénieux et des plus habiles à provoquer, renouveler, soutenir et faire croître savamment l’intérêt. Il est bien un peu question, dans l’Étoile du Sud, par-ci, par-là, de la cristallisation du carbone, et l’on y trouve sur les champs de diamans du Griqualand des renseignemens qu’après tout on aurait mauvaise grâce à se plaindre d’y rencontrer, mais l’Archipel en feu n’est qu’un épisode émouvant de la guerre de l’indépendance, hellénique, et ne s’en lira pas pour cela moins facilement.

« Quel est l’imbécile, disait Ney, si je ne me trompe (et il se servait d’un autre mot), qui ose se vanter de n’avoir jamais eu peur ? » Mais ce n’est pas de cette espèce de peur, ni du courage qui consiste à la surmonter qu’il est question dans le livre de Stahl : les Quatre Peurs de notre général. Sa thèse, d’ailleurs, n’en est pas moins vraie. C’est que ces peurs, ces inquiétudes, « es timidités enfin de l’enfance, dont on se moque, aussi réelles, sont peut-être aussi fondées, et par conséquent aussi critiques que tout ce que la vie, à mesure que nous avançons en âge, ne nous épargne pas de soucis, de difficultés, d’angoisses. Cette idée sert de fond, en même temps que de moralité, à quatre récits successifs placés dans la bouche du même narrateur, tous les quatre conduits avec l’ordinaire aisance, le fin bon sens et l’humaine philosophie de Stahl.

Une excellente idée encore de Stahl, mais cette fois en tant qu’Hetzel, c’est d’avoir extrait de l’œuvre de M. Alphonse Daudet un certain nombre de Contes choisis pour en former, à l’usage de la jeunesse, un des plus agréables volumes que l’on puisse lire. On sait, parmi ce monde mêlé que parfois il aime trop à décrire, avec quel charme on se repose dans la société des braves gens que M. Daudet, par un contraste habile, n’a jamais oublié, dans ses meilleurs romans, d’opposer à ses « ratés, » à ses docteurs Jenkins et à ses d’Argentan, à ses Sidonie Chêbe, à ses Sephora Lemans, et jusqu’à ses Sapho. Ce sont ces braves gens, avec leurs légers ridicules ou leurs manies aimables, que l’on retrouvera dans ces Contes choisis, ce sont aussi quelques-unes des Lettres de mon moulin et quelques-uns des Contes du lundi ; c’est presque tout entier ce déjà légendaire et toujours prodigieux Tartarin de Tarascon ; ce sont, enfin, quelques-unes des plus belles pages de Jack et des Rois en exil. Les illustrations en sont signées de M. Emile Bayard et de M. Adrien Marie.

Nous n’insisterons pas sur l’Histoire d’un écolier hanovrien, de M. André Laurie, et nous nous contenterons de rappeler qu’il continue