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solidité du ballon que leur avait fourni un ancien aéronaute, Dupuis-Delcourt. Mais, vieux, un peu usé, altéré par un long séjour en magasin et d’ailleurs trop serré dans son filet, le ballon se déchira dès le départ et tomba dans une vigne des environs. On le répara rapidement, et l’épreuve fut recommencée le vendredi 24 juillet. Le temps était fort mauvais ; il pleuvait et faisait grand vent ; les circonstances étaient d’autant plus graves que le ballon n’était pas solide ; néanmoins le départ fut résolu. Il commença avec une rapidité vertigineuse. Entrés presque aussitôt dans les nuages, les voyageurs n’en sortirent plus et, sauf de rares éclaircies, demeurèrent enveloppés d’une couche brumeuse qui avait plus de 7,000 mètres de profondeur. Au moment d’en sortir, à 7,000 mètres, quand déjà le globe du soleil semblait vouloir se dégagea les conditions changèrent brusquement. La température, qui s’était maintenue à — 9 degrés, baissa avec une rapidité incroyable jusqu’au froid excessif de — 39 degrés, et l’on rencontra de nombreuses aiguilles de glace qui s’accumulaient sur le carnet de notes. C’est à ce moment où l’observation offrait un si puissant intérêt que le ballon se fendit de nouveau. Les voyageurs jetèrent tout leur lest, ce qui était une imprudence, et ce fut inutilement, car ils ne purent dépasser 7,049 mètres, un peu plus que la hauteur limite de Gay-Lussac. Le ballon, qui continuait à se vider par la déchirure, prit une descente accélérée qu’on ne put retenir. La chute fut un désastre ; elle se fit au hameau des Peux, près de Coulommiers ; les voyageurs avaient eu le bonheur de sauver tous leurs instrumens, mais ils n’avaient exécuté qu’une partie des observations projetées. Nous y reviendrons.

En Angleterre, l’importance des voyages aériens, reconnue depuis longtemps, engagea le comité de direction de l’observatoire de Kew à les multiplier. Pendant l’année 1852, M. Welsh exécuta quatre ascensions dont l’une fut poussée jusqu’à 6,989 mètres. Un peu plus tard, en 1858, l’Association britannique, réunie à Leeds, résolut la fondation d’un comité des ballons, composé des hommes les plus marquans de la Société royale, de tous ceux qui, par la nature de leurs travaux, peuvent s’intéresser à la météorologie. Pour exé-cuter les voyages, elle choisit M. Glaisher, de l’observatoire de Greenwich ; elle ne pouvait rencontrer un homme plus prudent et plus courageux, un observateur plus exact et plus habile. La manœuvre du ballon était faite par un aéronaute de profession, M. Coxwell.

En France, ni le gouvernement ni les associations scientifiques ne suivirent un si bel exemple. Les ballons furent laissés à la merci des événemens et à l’initiative de quelques hommes de bonne