suprême pour apaiser les dissensions intestines de la colonie, son devoir, à lui ministre, serait de proposer des changemens, non point pour introduire des formes d’institutions incompatibles avec le gouvernement monarchique, mais pour maintenir et cimenter l’union avec la mère patrie… » C’était une déclaration de guerre, et l’assemblée résolut d’y répondre sans retard. Elle commença par refuser de nommer un comité de bonne correspondance avec le conseil législatif, puis elle entama la discussion des quatre-vingt douze résolutions. M. Papineau, avec M. Morin, avait rédigé ce réquisitoire, où il glissait trop souvent dans l’ornière de la révolution ; M. Elzéar Bedard le proposa à la chambre. Les quatre-vingt douze, comme on les appelait, remuèrent profondément la colonie ; on tenait pour ou contre, elles devinrent une sorte d’évangile populaire, beaucoup répétaient cette formule sans mieux comprendre sa portée que ces gens qui en France, en Russie, avaient crié : « Vive la charte ! vive la constitution ! » qu’ils prenaient pour des femmes. Dans un pêle-mêle chaotique s’y confondaient de justes revendications à propos des finances, des diatribes virulentes contre le conseil législatif, une apologie des idées démocratiques, de la république des États-Unis, une distinction aussi erronée que malencontreuse entre les deux tendances politiques qui « se montrent sous différens noms dans les différens pays ; sous les noms de serviles, royalistes, tories, conservateurs et autres, d’une part ; sous ceux de libéraux, constitutionnels, républicains, whigs, réformateurs d’autre part… Puisque l’origine nationale et la langue des Canadiens sont devenues des occasions d’injures, d’exclusion, d’infériorité politique, de séparation de droits et d’intérêts, la chambre en appelle à la justice du gouvernement de Sa Majesté et de son parlement, à l’honneur du peuple anglais. Les Canadiens ne veulent répudier aucun des avantages qu’ils tiennent de leur origine, car la nation française, sous le rapport des progrès qu’elle a fait faire à la civilisation, aux sciences, aux lettres et aux arts, n’a jamais été en arrière de la nation anglaise ; et elle est aujourd’hui, dans la science du gouvernement et dans la voie de la liberté, sa digne émule. »
La discussion des quatre-vingt-douze se prolongea plusieurs jours. M. Papineau commit la faute d’accentuer encore leur signification en critiquant la constitution de 1791 et la forme même du gouvernement anglais. M. Neilson combattit les quatre-vingt-douze comme attentatoires à l’existence du conseil législatif, injurieuses envers la métropole et concluant à un refus formel des subsides. Il montra qu’en Angleterre et, aux États-Unis, le peuple avait opéré des changemens, non par, goût des reformes, mais parce que l’autorité royale prétendait violer la constitution ; il combattait pour