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une majorité de tories dans la nouvelle. Deux autres colonies, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse ! venaient de s’accorder avec l’Angleterre, qui, vivant en bonne intelligence avec les États-Unis, pouvait tourner toutes ses forces contre la seule chambre qui fût restée inébranlable. Au commencement de 1837, lord Russell proposa à la chambre des communes de disposer des deniers du Bas-Canada sans le vote de la législature ; il ne manqua pas de tirer parti de la défection des autres provinces, fit de la question canadienne une question de races et se posa comme protecteur de cette minorité anglaise qui, selon la parole d’O’Connell, « avait été le fléau de l’Irlande. » Une majorité énorme approuva les résolutions du cabinet. Cependant, lord Russell ayant annoncé qu’il en suspendrait encore l’exécution, les chambres canadiennes furent convoquées le 18 août, et lord Gosford pria de nouveau les députés de ne pas s’opiniâtrer davantage, mais de faire eux-mêmes l’assignation du revenu. La majorité répondit par une adresse contre les résolutions du parlement impérial, et aussitôt le gouverneur prorogea la chambre en lui déclarant que sa décision était « l’anéantissement virtuel de la constitution. »

Les patriotes se laissaient fasciner par le mirage de l’émancipation et ne voyaient pas qu’ils ne pénétraient nullement dans les masses profondes du peuple, dont ils éveillaient plutôt la curiosité que la colère. Cependant leurs journaux excitaient aux mesures extrêmes, le gouverneur fut pendu en effigie à Québec ; on forma des sociétés secrètes, l’association des Fils de la Liberté publia un manifeste menaçant. Dans une grande assemblée des six comtés de Saint-Charles, on vit figurer une douzaine de députés, des miliciens armés sous les ordres de quelques officiers destitués ; sur des drapeaux, des inscriptions comme celles-ci : « Vive Papineau et le système électif ! — Nos amis du Haut-Canada ! — Indépendance ! » Le conseil législatif était représenté par une tête de mort sur des os en croix. On vota des résolutions énergiques, on improvisa une espèce de déclaration des droits de l’homme. M. Papineau commençait à s’apercevoir qu’il n’est pas aisé de gouverner la poudré quand on y a mis le feu et qu’on est toujours le réactionnaire de quelqu’un ; il parla en faveur de la résistance légale, a Eh bien ! moi, je suis d’opinion différente, répliqua M. Wolfred Nelson ; je crois que le temps est arrivé de fondre nos cuillers pour en faire des balles ! » De son côté, le gouvernement ne restait pas inactif : il obtint de W Lartigue qu’il lançât un mandement pour prêcher aux Canadiens l’obéissance au pouvoir établi ; le général Colborne, investi du commandement militaire, arma une partie de la population anglaise de Montréal et de Québec, appela des troupes du Nouveau-Brunswick. Le 6 novembre eut lieu la bagarre entre les Fils de la Liberté