inférieurs à ceux de Londres, il y eut une première exportation de 17 millions 1/2 d’hectolitres pour l’Angleterre. En 1878, la récolte atteignait 147 millions d’hectolitres, et l’exportation en Europe, 51 millions, dont 5 millions 1/2 pour la France ; en 1879, elle s’élevait à 160 millions, et l’exportation à 52 millions d’hectolitres. Certes, le secours des blés américains fut un grand bienfait pour nos populations industrielles de l’Europe ; sans eux, nous aurions revu, en 1870, les misères de 1846 et 1817 ; mais aussi, sans leur concurrence, nos fermiers auraient pu trouver dans la hausse du prix une certaine compensation pour la faiblesse de leurs récoltes. Les cultivateurs qui avaient des économies les entamèrent pour payer leurs loyers, les autres ne les payèrent pas ou s’endettèrent ; ceux qui avaient déjà des dettes achevèrent de se ruiner. Ce fut le commencement de la crise agricole, qui se produisit d’abord en Angleterre, puis en France et dans tous les pays de l’Europe, où, par suite du développement du commerce et de l’industrie manufacturière, le prix du blé et la valeur des terres avaient le plus augmenté.
De 1871 à 1880, les fermiers anglais n’eurent que deux années satisfaisantes. Pendant les huit autres, ce ne fut que misère : trop de pluie, pas assez de soleil ; on fit peu de grain, il mûrit mal et fut à peine vendable ; les fourrages eux-mêmes ne valaient rien ; dans les terres fortes, les bêtes se refusaient à les manger, et la pourriture fit de grands ravages dans les troupeaux de moutons. Dans sa déposition à l’enquête de 1881, sir James Caird estimait à 3 milliards 1/2 les pertes faites par les fermiers de la Grande-Bretagne pendant les six années de 1873 à 1880. « Cette diminution de capital, disait-il, empêchera pendant un certain temps les fermiers de bien cultiver ; on aura une période de culture négligée (low farming) jusqu’à ce qu’une série de bonnes années ait renouvelé les ressources financières. » Depuis 1881, la température a été, en effet, plus favorable au blé, mais le rendement par hectare a été moins élevé que si les terres avaient été, comme avant la crise, bien nettoyées et enrichies au moyen d’engrais chimiques. D’après sir J.-B. Lawes, la fertilité des terres parait avoir diminué en Angleterre de 11 pour 100 par suite du low farming. La quantité de bétail est aussi moins grande, malgré l’accroissement de la superficie des herbages.
De plus, l’Amérique continue à envoyer les blés, dont la production avait si rapidement augmenté depuis 1870 ; les chemins de fer qui les transportent jusqu’à New-York, et les navires qui les amènent en Europe, ont encore réduit leurs tarifs. En 1883, quelques-unes de ces puissantes maisons qui dominent aujourd’hui le commerce des blés en firent d’immenses provisions à Chicago,