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Malheureusement le nombre des gardes de section n’est pas proportionné à l’importance et surtout à la multiplicité de leurs fonctions : c’est un personnel qu’il faudrait augmenter. Comme le fait remarquer avec beaucoup de justesse M. Peeters, il est indispensable de pouvoir surveiller l’aliéné à une foule de points de vue différens : il faut voir si on ne le fait pas lever trop tôt pour aller au travail, si les repas qu’il partage avec son nourricier sont suffisans comme quantité et comme qualité ; si, aux champs, on ne lui assigne pas trop de travail. En un mot, le garde de section devrait, pour bien faire, se trouver au même moment dans cent ou deux cents endroits différens et recommencer ensuite. Ce qui nous a été dit des gardes de section et ce que nous en avons pu voir prouve que ce sont d’excellens employés, dévoués et actifs, mais il est évident qu’en augmentant leur nombre, on donnerait à Gheel une valeur plus sérieuse encore. Il deviendrait encore plus difficile d’exploiter l’aliéné au point de vue du travail ou de bénéficier sur la nourriture qu’on lui fournit. Cette augmentation du personnel s’impose : il est impossible à quatre gardes de section de surveiller efficacement une population d’un millier de nourriciers et de plus de seize cents aliénés, dispersés sur une surface de quelque 10,000 hectares. Encore faut-il remarquer qu’il peut très bien ne pas y avoir à Gheel, à un moment donné, un seul des gardes de section, occupés qu’ils peuvent être à emmener des malades ou à en ramener : M. le docteur Peeters a vu le fait se produire.

Une fois placé chez un nourricier, l’aliéné jouit d’une liberté considérable à plusieurs points de vue. L’aliéné riche ou aisé fait ce qu’il veut : il lit, écrit, se promène, fume et travaille à sa fantaisie ; de même, l’aliéné pauvre, s’il ne se soucie pas de travailler, passe sa journée comme il l’entend. Cependant, sauf le cas où l’aliéné indigent est trop âgé pour travailler, ou celui où des infirmités physiques s’opposent à ce qu’il puisse exercer quelque profession manuelle, la grande majorité des malades dans Gheel s’occupe d’une façon ou d’une autre. Le travail, et surtout le travail des champs, convient très bien aux aliénés. Il leur fournit une diversion salutaire. Au point de vue purement physique, il y a toujours avantage à fortifier les muscles et à faire circuler énergiquement le sang, mais l’avantage du travail agricole est peut-être encore plus moral que physique. La proportion des travailleurs à Gheel varie selon les catégories de malades, comme on peut s’y attendre : sur l’ensemble des aliénés, cette proportion est de 72 pour 100, constituée par un nombre à peu près équivalent d’hommes et de femmes.

Voici, par exemple, une statistique du docteur Peeters,