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confiance. On ne savait trop où était Moustafa-ben-Mezrag, lorsque, désespérant de sa fortune en vrai fataliste et redoutant les Kabyles en vrai Turc, il vint se mettre volontairement à la merci d’un vainqueur qu’il supposait plus généreux que ses anciens sujets ; il ne se trompait pas : le vainqueur lui fit bon accueil. Dans la même journée, les cent cinquante janissaires qui tenaient garnison dans Médéa se rendirent à la discrétion de l’autorité française. Tout était pour le mieux ; le plan du général Clauzel s’agrandissait avec une facilité merveilleuse. Voilà le nouveau bey, Moustafa-ben-Omar, bien et dûment installé dans son beylik de Titteri ; on lui laissait provisoirement l’assistance du colonel Marion avec les bataillons du 20e et du 28e, les zouaves et une section d’obusiers de montagne ; le général Monck-Duzer, qui était au col de Mouzuïa, n’avait qu’à se porter de quelques lieues au sud-ouest pour occuper la vallée du Chétif et s’établir à Miliana ; rien de plus simple : pour ce qui est d’Oran et de Constantine, le général en chef avait des projets dont nous aurons bientôt la confidence. En attendant, voici ce qu’écrivait à Paris un de ses officiers d’ordonnance : « La France sera contente, j’espère, de cette campagne de sept jours : le drapeau tricolore, planté sur les remparts de Médéa, signale d’une manière brillante notre nouvelle ère de liberté. Il s’agit maintenant d’obtenir le même résultat à Constantine, et l’Afrique est soumise. Au reste, qu’on ne craigne pas que le poste de Médéa soit une imprudence ; il est soutenu par la position de l’Atlas, où l’affaire du 21 a eu lieu et que le général va faire occuper par deux blockhaus ; la ferme où nous avons campé le 20 et que le général a fait fortifier sera ensuite un point intermédiaire jusqu’à Blida, où le général se propose de laisser le lieutenant-général Boyer, qui sera commandant supérieur de la province. On ne peut, comme vous voyez, ajouter plus de prudence à une combinaison aussi hardie ; l’avenir de l’Afrique était tout entier dans ce plan. »

Le singe de la fable n’avait oublié que d’allumer sa lanterne ; le général Clauzel n’avait oublié que d’emporter en assez grande quantité trois petites choses : des munitions, de l’argent et des vivres. Pour former à Médéa une réserve de vingt mille cartouches, on fut obligé de vider les gibernes ; chaque homme n’en garda pas plus de vingt, ce qui suffisait à peine aux incidens possibles du retour. D’autre part, vingt mille cartouches pour Médéa c’était bien peu de chose ; il n’y avait qu’à en faire venir d’Alger deux cent mille ; au gré du général en chef, rien n’était plus facile. Un détachement de cinquante canonniers conducteurs ou de soldats du train, de ceux qui étaient restés à la Ferme de l’agha, n’aurait qu’à partir, sous les ordres du capitaine Esnaut, en prenant pour objectif le sommet de