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le radical qui a été choisi, non-seulement contre M. Spolier, mais encore contre M. Clemenceau, qui présentait, quant à lui, un autre radical tout aussi étonnant. Paris, le nouveau Paris électeur, a décidément une passion malheureuse pour tout ce qui est inconnu et médiocre. Il fut un temps où la grande ville, qui a toujours été une citadelle d’opposition, le foyer de toutes les frondes contre les gouvernemens, avait du moins l’orgueil de se faire représenter dans les assemblées par des hommes qui étaient l’honneur et l’illustration du pays. Aujourd’hui, Paris, tel qu’on le fait depuis quelques années, semble être à la recherche de toutes les médiocrités pour les envoyer au sénat, à la chambre et au conseil municipal : de sorte que cette ville, qui est comme le foyer central du pays, qui réunit toutes les lumières, les corps savans, les traditions de sociabilité française, les puissances financières et industrielles, se trouve en définitive représentée, à part quelques exceptions qui échappent aux classifications de partis, par tout ce qu’il y a de plus obscur dans une démagogie de quartier. On en est là ! Et lorsque ces étranges représentai de la glorieuse cité parlent de Paris, de ses droits, de son ascendant, de sa primauté, ils ne s’aperçoivent pas que, s’il n’y avait qu’eux, Paris ne serait plus Paris et aurait bientôt perdu tout son prestige devant la France comme devant le monde ; ils ne voient pas que chacune de leurs victoires rend plus sensible ce phénomène extraordinaire de la plus puissante des villes représentée et, jusqu’à un certain point, gouvernée par des personnages de hasard. C’est la moralité de ce scrutin du 25 janvier ; mais, après tout, ce n’est qu’un incident. Il n’y a qu’un démagogue de plus dans nos assemblées, et ce n’est pas une excentricité parisienne qui marque le vrai caractère de ces élections sénatoriales accomplies l’autre jour au même instant dans plus de quarante départemens de la France.

Le fait est que, dans leur ensemble, ces élections du 25 janvier restent assez difficiles à définir. Que veulent-elles dire réellement ? Il est vrai, nous en convenons tout de suite, elles ne sont pas précisément conservatrices, en ce sens qu’elles ont momentanément banni du Luxembourg quelques-uns des chefs les plus brillans ou les plus autorisés des partis conservateurs. Les républicains ministériels et leurs alliés, qui sont si riches d’illustrations et de talens, tenaient avant tout à exclure des assemblées de la république des orateurs importuns comme M. le duc de Broglie. Ils avaient préparé leur loi électorale justement pour atteindre ce but ; ils avaient fait leurs calculs, ils avaient d’avance passé la revue des nouveaux électeurs, — et ils ont réussi, au moins dans l’Eure. Ils n’ont pas pu réussira l’égard de M. Rocher, qui, en ce moment, même était éprouvé par le plus cruel malheur de famille et qui malgré son éloignement, n’a pas moins réuni une imposante