Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dernière heure, il rétablit la fonction d’agha, non pas d’ailleurs au profit d’un Arabe ni d’un Maure, mais en faveur d’un chef d’escadron de gendarmerie, le commandant Mendiri, grand-prévôt de l’armée. Cette nomination in extremis ne fut pas très heureuse, et les indigènes, au lieu d’en être terrifiés, s’en moquèrent.

Enfin, le 20 février, les troupes reçurent communication de l’ordre suivant : « Demain, 21 février 1831, à midi, l’armée d’Afrique n’existera plus sous cette dénomination ; l’état-major général sera dissous et les troupes restant dans le royaume d’Alger prendront le nom de Division d’occupation, dénomination qui leur a été donnée par décision ministérielle. » Ce même jour, la corvette Perle amena le commandant de la division d’occupation, général Berthezène. Le général Clauzel s’embarqua le lendemain sur la frégate Armide. Les généraux Delort et Boyer, tous les officiers qu’il avait amenés et qu’il appelait lui-même « la fournée d’août, » rentrèrent en France quelques jours après lui.

La popularité qui l’avait accueilli au début et qu’il devait retrouver plus tard semblait alors l’avoir abandonné avec la fortune. Des bruits injurieux, calomnieux, couraient sur son compte ; on l’accusait d’avoir tiré au moins 500,000 francs du bey de Tunis et du bey d’Oran, des Arabes, des juifs et des Maures. On l’accusait de s’être adjugé gratuitement ou d’avoir acquis à vil prix d’immenses propriétés, même des terres du beylik, et cela au mépris de son propre arrêté du 8 novembre, qui interdisait l’aliénation des biens du domaine et n’en permettait la location que pour trois ans. Sur ce second grief, la vérité est qu’en décembre, il avait acheté des héritiers d’Yaya-Agha la Maison-Carrée, mais que le domaine revendiquait cet haouch comme ayant fait partie du beylik ; c’était une question à débattre devant la justice civile. Dix jours avant de partir, enfin la veille et le jour même de son départ, pour bien marquer sa confiance dans l’avenir de la conquête, il avait acheté à des propriétaires maures, Haouch Baba-Ali, près de la Ferme modèle, et dans le faubourg Bab-Azoun, le palais mauresque avec le Foudouk de l’agha.

Le plus triste pour lui, c’était le démenti que les événemens d’Europe infligeaient à ses grandes espérances. Ce n’était pas en Afrique que se réglaient les destinées de l’Algérie : de même que la révolution de juillet avait arrêté le maréchal de Bourmont, la révolution belge venait d’arrêter le général Clauzel.


CAMILLE ROUSSET.