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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/862

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possèdent en abondance de précieux minéraux, le charbon, des pêcheries magnifiques, l’Ouest leur apporterait ses terres à blé, l’Est, le Canada central, ses facilités pour ses industries, ses manufactures, un des plus beaux fleuves navigables du monde. En 1864, sir Etienne Taché (un Canadien siré, comme on dit plaisamment de ceux qui reçoivent de la reine le titre de sir ou de chevalier) forma un ministère de conciliation où entra le parti libéral du Haut-Canada, et, le 1er octobre, une conférence solennelle réunissait à Québec les délégués des provinces maritimes avec les membres du gouvernement canadien. Le projet qui sortit de leurs délibérations instituait une législature fédérale chargée de régler les affaires communes, telles que la milice, les douanes, les pêcheries, la nomination des juges, et composée d’un gouverneur général, sorte de vice-roi constitutionnel nommé par la couronne, d’un sénat et d’une chambre élue pour cinq ans. — Le sénat aurait 76 membres nommés à vie, 24 pour chaque Canada, 24 pour les provinces maritimes, 4 pour Terre-Neuve. La représentation d’après le nombre ayant prévalu dans la formation de la chambre des communes, le Bas-Canada conserverait 65 députés, le Haut-Canada en aurait 82, la Nouvelle-Ecosse 19, le Nouveau-Brunswick 15. Chaque province gardait le contrôle de ses institutions civiles, religieuses et municipales, pouvait amender sa constitution, sous cette réserve que les lieutenans-gouverneurs seraient choisis, salariés par le pouvoir fédéral, et que le gouverneur général aurait, pendant un an, le droit de veto sur les lois votées par les législatures locales. Enfin la conférence de Québec réclamait une union douanière et un chemin de fer intercolonial, reliant le Saint-Laurent à la ville d’Halifax. Ce projet fait grand honneur aux hommes qui l’ont conçu et mené à bonne fin : partant de cette vue très juste qu’il faut greffer le neuf sur le vieux, qu’on n’improvise pas l’avenir, mais qu’il se fait avec du passé, ils ont combiné dans un heureux mélange la constitution anglaise et américaine, emprunté à la première le régime monarchique, la responsabilité ministérielle, à la seconde le principe de la fédération dépouillé de certaines exagérations qui constituent chaque état presque indépendant du pouvoir central. Comme l’observa le premier ministre, sir John Mac-Donald, le président des États-Unis, se trouvant élu pour une courte période, ne peut jamais être considéré comme le souverain de la nation, il est seulement le chef heureux d’un parti. Il est aussi un quasi-despote pendant quatre ans, car il possède un grand pouvoir, un patronage immense, et son cabinet se compose de chefs de départemens qu’il peut consulter ou ne pas consulter, irresponsables en droit, tandis qu’il l’est en fait : on aboutit ainsi à une espèce de démocratie contrôlée par une contrefaçon de