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aux réunions ordinaires. Les chevaliers obtinrent de bonne heure de nombreuses dispenses ; Les villes ne manquèrent pas de faire inscrire la même immunité dans leurs chartes. Privée de ses meilleurs élémens, la cour de comté était en outre dépeuplée par les abstentions. L’institution des juges ambulans, régularisée en 1176, lui communique une vie nouvelle. Ces grands personnages, familiers de la cour du roi, arrivaient dans les comtés avec les pouvoirs les plus étendus. Leurs commissions portaient qu’ils ne devaient se laisser arrêter, ni par les immunités des barons, ni par les franchises des villes. Quand ils siégeaient, celles-ci déléguaient douze bourgeois pour figurer à côté des autres élémens de la cour du Comté, et les plus grands seigneurs comparaissaient au moins par mandataire. Toute la population locale, noble et roturière, rurale et urbaine, se trouvait ainsi réunie. Sous cette puissante impulsion, la cour de comté et les cours de hundreds furent à leur apogée au XIIIe siècle, et nul doute qu’elles n’aient contribué singulièrement à précipiter la fusion des races et des classes. Toutefois, cette grande affluence ne faisait que les rendre moins propres aux services multipliés d’une administration progressive. On n’administre point par une assemblée, on ne gouverne pas au moyen d’un club. Aussi les grands juges, en laissant subsister nominalement la cour de comté, ne tardèrent pas à la considérer comme un simple lieu d’élection pour les commissions de toute nature qui furent réellement chargées des affaires. De quels élémens étaient formées ces commissions, on peut le pressentir. Les grands juges ne voulaient généralement pas de bien aux barons, ils se défiaient du shérif, dont l’autorité était, en un certain sens, rivale de la leur. Étrangers au comté, ils avaient besoin d’une assistance locale et n’étaient pas en mesure d’organiser une bureaucratie sédentaire. Force était donc de faire appel à la chevalerie du lieu, seule classe assez indépendante, assez éclairée pour leur prêter un utile concours. On les voit, en effet, prendre de plus en plus les chevaliers pour auxiliaires, et partager avec eux les pouvoirs qu’ils enlèvent au shérif ou à la cour de comté. Je ne puis entrer dans l’infini détail de ce transfert d’attributions. Successivement l’assiette et la perception de l’impôt, le contrôle de l’armement de la gendarmerie nationale, le soin de recevoir le serment de paix, l’instruction locale des crimes et délits, le choix du grand jury d’accusation, la participation aux jugemens par l’organe du jury restreint, sont confiés à des commissions de chevaliers qui opèrent le plus souvent sous la direction des juges ambulans. La plus grande partie de ces attributions appartenait auparavant à la cour de comté et au shérif ; celui-ci perd en outre en 1215 ses fonctions de juge royal criminel,