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ce qu’on appelle avec un dédain peu voilé certaines chicanes savantes, car les difficultés ne sont savantes, en effet, qu’à la condition de s’appuyer sur la logique éternelle ou sur des faits bien établis, et cela est au-dessus du dédain. Mais, après tout, on peut accorder que le double esprit signalé ici règne effectivement dans les études d’histoire ecclésiastique, et que la vérité, ou, pour parler plus modestement, le plus haut degré d’approximation du vrai, n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’esprit purement négatif est stérile, la crédulité excessive confine à la niaiserie. Il est sage de prôner la voie moyenne, et il faut applaudir à ceux qui font profession de s’y tenir. Toute tradition n’est pas méprisable et, jusque dans les douteuses, il y a encore comme un écho lointain et utile à saisir de quelque réalité. Seulement les bonnes maximes sont plus faciles à donner qu’à suivre, et, dans la pratique, il est bien rare qu’on garde constamment cette voie moyenne qu’on conseille aux autres, sans dévier quelque peu à droite ou à gauche.

On ne s’en rend nulle part mieux compte qu’en lisant en tête de chaque article, dans les sept derniers volumes, les études préliminaires intitulées : Commentarii prœvii. Tout d’abord ces études sont d’une longueur interminable et souvent un peu vide. C’est le rebours de la vieille devise : Multa paucis. Les auteurs sont d’une loquacité infinie sur des personnages dont on sait à peine sûrement les noms, sur des questions qui ne comportent souvent nulle solution probable. La plupart des études que nous avons lues gagneraient beaucoup à être resserrées, réduites de moitié ou des deux tiers, allégées de hors-d’œuvre ou d’hypothèses en l’air. La diffusion embrouille plus qu’elle n’éclaire l’esprit et grossit inutilement un travail qu’on a accusé bien des fois de durer trop longtemps. La méthode scolastique d’exposer tour à tour les argumens affirmatifs et les argumens négatifs, comme si l’on mettait successivement des poids dans les deux plateaux d’une balance, encore qu’un peu artificielle, n’est pas mauvaise ; mais à la condition de ne rien oublier de part ni d’autre, de ne rien forcer et ne rien diminuer et surtout de laisser la balance parler seule, c’est-à-dire le lecteur impartial conclure après comparaison attentive. Mais si, après avoir inégalement chargé les plateaux, l’on tire l’un d’eux et par exemple le plus léger, comme on le voit quelquefois, il emporte l’autre, non par lui-même, mais par la force qu’on lui ajoute indûment. Dans une publication qui prétend, non sans raison, avoir un caractère scientifique et qui est moins en somme livre de doctrine qu’instrument de travail et répertoire immense de documens, il n’est pas défendu sans doute de donner des conclusions, mais on voudrait qu’elles sortissent toujours et uniquement des choses mêmes. Or il me parait