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naire, et les nombreuses empreintes recueillies dans les tufs toscans, dans ceux de Lipari, du midi de la France et des environs de Paris, font voir que, depuis des milliers d’années, le lierre indigène n’a plus changé de physionomie ni de caractères.

Le spectacle change dès qu’on quitte le lierre pour s’attacher à la vigne. Celle-ci fait partie d’une famille, celle des ampélidées, voisine du groupe des araliacées, auquel se rapporte le lierre, cosmopolite comme ce groupe et répandue également à travers toutes les zones. Mais, au point de vue particulier de « l’espèce » et de la vigne d’Europe comparée à ses congénères d’Asie ou d’Amérique, les ampélidées obéissent à une impulsion toute différente. Très fécondes, elles ne cessent, à partir de leur origine, de se subdiviser en multipliant jusqu’à la confusion les formes issues de dédoublement réitérés. Deux genres frères, celui des vignes propres et celui des « cissus, » grimpans l’un et l’autre, sarmenteux et nombreux en espèces variées, se constituent de bonne heure. Leur présence simultanée est constatée dans le paléocène de Sézanne ; l’intervalle qui les sépare est, à la vérité, encore peu sensible. Les feuilles de cette première vigne sont entières, dentées sur les bords, cordiformes à la base ; elles ont une tendance à devenir lobées sans l’être encore. Le genre vigne continue dès lors à se différencier ; il donne naissance, en se divisant, à plusieurs sections, à mesure que les espèces nouvellement formées s’étendent et se cantonnent. Les vignes au sens étroit du mot, ou « euvitis, » se distinguent des autres par certains caractères et une physionomie à part. Assez faiblement accentuées à l’origine, elles descendent probablement d’une espèce primitive, plus tard distribuée en races locales, cantonnées de préférence le long des cours d’eau, au fond des vallées agrestes et montagneuses.

La vigne ne s’est pas montrée jusqu’ici dans l’éocène des gypses d’Aix, région d’où l’excluait sans doute l’influence d’un climat trop sec et trop chaud. En revanche, le tertiaire de la zone arctique et le miocène d’Allemagne en offrent des vestiges. Les flores forestières et montagnardes du mont Charray en Ardèche et des cinérites du Cantal, qui appartiennent à un âge déjà plus récent, montrent des vignes qui rappellent plutôt les formes japonaises ou sud-asiatiques du groupe. Dans les tufs pliocènes de Provence, la vigne se montre en abondance ; elle ne s’écarte plus que par quelques nuances de notre vigne cultivée ; enfin, celle-ci abonde, avec des caractères et une physionomie impossibles à méconnaître, dans les tufs quaternaires du Midi de la France. Elle hantait alors l’abord des cours d’eau et le voisinage des cascades, à l’exemple de la vigne sauvage actuelle, désignée du nom de « lambrusque. »