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Dans les contrées ébranlées, on reconnaît ordinairement une région de dimension restreinte où le mouvement a été surtout énergique. Elle correspond sans doute au centre d’impulsion placé dans la profondeur ; aussi lui a-t-on donné le nom d’épicentre. C’est dans cette région que se font plus particulièrement ressentir les chocs verticaux, ou succussions, à partir desquels rayonnent dans le sol les mouvemens ondulatoires, avec des vitesses de propagation que l’on a souvent estimées de 350 à 500 mètres par seconde, comparables à celle du son dans l’air.

La surface ébranlée est quelquefois d’une faible étendue, lors même que le tremblement de terre est très violent, comme il est arrivé en Calabre en 1783, à Alep en 1822, et à Ischia en 1828 et 1883. D’autres fois, il est beaucoup plus étendu. Ainsi le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 se fit sentir sur une partie de l’Europe jusqu’en Bohème, et même en Scandinavie ; dans l’Afrique septentrionale, à Mogador, à Madère, et jusqu’aux Antilles et au Canada ; il affecta une surface quatre fois grande comme celle de l’Europe ou d’environ l/13e de la surface du globe. Le plus souvent les dimensions linéaires des surfaces agitées sont comprises entre 100 et 900 kilomètres, c’est-à-dire entre des longueurs qui correspondent à une amplitude de 1/400e à 1/40e de la circonférence terrestre.

Loin de présenter une forme à peu près circulaire, comme on serait tout d’abord porté à le supposer, cette aire d’ébranlement a généralement une forme irrégulière. Souvent elle est très allongée et en rapport avec les alignemens des montagnes voisines ou d’autres accidens profonds de structure. Pendant le formidable tremblement de terre de 1783, aussi bien que pendant celui d’octobre 1876, la chaîne des Apennins servit comme de mur de protection pour les provinces orientales de la presqu’île italienne ; tandis que des milliers de secousses agitaient un côté de la chaîne, en y produisant de grands désastres, on ne ressentit absolument rien sur le versant opposé. Dans les Alpes, la plupart des tremblemens de terre se produisent dans les chaînes latérales du nord et du sud, qui sont formées de terrains sédimentaires, tandis que la chaîne centrale composée de roches cristallines n’est pas ébranlée. Les Andes de l’Amérique du Sud forment un barrage naturel que les plus violentes agitations du littoral de l’Océan-Pacifique, tout en s’étendant au loin parallèlement à la chaîne, ne franchissent presque jamais, et, si parfois quelques secousses se propagent au-delà, elles n’arrivent qu’extrêmement affaiblies.

Dans l’étendue ébranlée, les mouvemens sont très inégalement sensibles. Entre deux points secoués par une seule et même