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supérieur ; » ainsi commence l’unique leçon que M. Deschanel ait cru devoir consacrer à Pascal ; et, tant qu’à tenir les promesses de cet heureux début, on le félicitera plutôt de s’être arrêté promptement. Aussi facilement d’ailleurs qu’il s’était contenté sur Bossuet, aussi facilement s’est-il contenté sur Pascal. Tout ce qu’il a dit de Bossuet, il l’avait puisé dans les Préfaces ou les Introductions des éditeurs du Discours sur l’histoire universelle ou des Oraisons funèbres ; et tout ce qu’il dit de Pascal, il l’emprunte aux Préfaces et aux Notes si riches des éditions de M. Ernest Havet. Seulement, en l’empruntant, il le démarque, et en le répétant il l’aggrave. C’est sa manière, — la manière de ceux qui manquent d’idées propres sur le sujet qu’ils traitent, et qui se donnent à peu de frais les apparences d’une espèce d’originalité en exagérant les idées que les autres leur prêtent ; la manière de M. Vacquerie quand il imitait l’auteur de Ruy Blas et des Burgraves, la manière de M. Paul Alexis et de M. Henry Céard quand ils imitent l’auteur de l’Assommoir et de Germinal.

Une raison toutefois nous empêchera de faire un grief à M. Deschanel d’avoir, en en parlant si mal, parlé si peu de Pascal. C’est que, sauf peut-être deux ou trois points, il ne nous semble pas qu’après tant de travaux, — au premier rang desquels nous mettons, comme lui, ceux de M. Ernest Havet, ceux de Sainte-Beuve, ceux de M. Faugère et ceux de Victor Cousin, — il reste, d’ici quelque temps, grand’chose à dire des Pensées. Et, pour les Provinciales, des polémiques toutes récentes encore, sans épuiser le fond du sujet, ne laissent pas cependant, et pour quelques années, d’en avoir au moins diminué l’intérêt. Aussi bien ce serait vraiment une duperie si ces questions d’histoire littéraire demeuraient éternellement nouvelles, et, si dans un siècle de critique et d’érudition comme le nôtre, on ne pouvait jamais en considérer quelques-unes comme ayant enfin reçu leur solution. Lorsqu’il y a quelques années M. Molinier, si j’ai bonne mémoire, voulut nous donner une édition nouvelle du texte des Pensées, on s’aperçut, quand elle fut faite, que le texte était décidément fixé, et qu’en fait de variantes le nouvel éditeur n’avait rien trouvé dans le manuscrit autographe de bien neuf ni de bien curieux. Ce que nous disons du texte, nous pouvons le dire également de l’œuvre. On ne dira rien de bien neuf ni de bien curieux des Pensées de Pascal avant bien des années maintenant, c’est-à-dire avant qu’il se soit produit quelque transformation nouvelle et profonde des méthodes de la critique, ou même de l’esprit français. On pourra, comme Prévost-Paradol, jadis, dans des pages justement célèbres, traduire une impression forte et rare, toute personnelle, que l’on aura reçue des Pensées ; on n’en dira rien de général qui n’ait été dit et bien dit. Il y a des chapitres d’histoire littéraire qui sont encore à écrire et quelques-uns même qui