Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait le sénat, revendiquant une sorte d’omnipotence sur les finances publiques. On leur offrait une occasion de rentrer dans le droit, dans l’équité ; ils ont répondu en renvoyant le budget tel qu’ils l’avaient préparé avec leurs passions de secte. Que restait-il à faire ? Oh ! vraiment c’était bien simple pour les conseillers et les théoriciens de toutes les défaillances, de toutes les abdications. Il s’est trouvé au Luxembourg, dans la commission, parmi les nouveaux sénateurs qui avaient à faire leur début, et même dans le gouvernement, des hommes de bonne composition qui se sont efforcés de persuader au sénat qu’il n’avait, pour son propre intérêt, qu’à se soumettre, s’il ne voulait pas être obligé un jour ou l’autre de se démettre. Quoi donc ! la chambre après tout n’avait-elle pas montré son bon esprit, sa magnanimité en consentant à ne pas écarter par la question préalable les propositions sénatoriales, en condescendant à examiner ces propositions ? Elle n’était pas allée, il est vrai, jusqu’à les accepter ; elle n’avait pas refusé de les discuter ! Elle avait par cela même reconnu les droits du sénat ; ce que le sénat avait de mieux à faire maintenant était de se contenter de cette marque généreuse de déférence et de se résigner ! Oui, sans doute, il y a encore des républicains qui veulent bien consentir à reconnaître les droits du sénat, — à la condition que le sénat n’use pas de ces droits, qu’il reste une assemblée de consultation dont on se passera quand on voudra. C’est là ce qu’on appelle respecter la dignité des institutions !

Que le sénat, animé d’un esprit de conciliation, eût cédé au conseil de ne point insister jusqu’au bout sur quelques-uns des crédits Contestés, c’était encore admissible ; mais il y avait quelques points sur lesquels, dans l’intérêt même de la dignité d’un régime libre, il pouvait et devait résister, sans crainte d’être désavoué par le pays. Des lois existent, elles ont créé régulièrement, solennellement des services, des institutions. Si l’on ne veut plus de ces lois, qu’on les abroge ; mais on n’a vraiment pas le droit de les suspendre, de les mettre en état de sommeil, comme on l’a dit, par un acte sommaire, par un article de budget. Et voyez à quelles anomalies on s’expose. Les facultés de théologie n’ont plus de crédits dans le budget ; elles ne cessent pas néanmoins d’avoir une existence légale, et elles sont même toujours représentées au conseil supérieur de l’instruction publique. C’est là tout simplement ce qu’on peut appeler une véritable anarchie introduite dans les institutions et dans les rapports des pouvoirs publics !

C’était cependant pour l’assemblée du Luxembourg une bonne occasion de montrer sa raison politique, de prendre son rôle dans le jeu des institutions, en alliant à la prudence, au besoin à l’esprit de conciliation, la fermeté sur les points où il n’y avait pas à transiger, où il n’y avait qu’à ramener tout le monde au respect de la loi. Le sénat a maintenant une autre occasion de prouver qu’il existe, d’exercer son