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même qu’en Russie, il faudrait qu’il existât chez nous des compagnies de torpilleurs sans cesse occupées à parcourir les côtes, à en relever tous les accidens, à en reconnaître toutes les criques, toutes les baies, toutes les embuscades où des torpilleurs, soigneusement dissimulés, pourront attendre l’ennemi, comme ces fourmis qui se cachent derrière un brin de sable pour guetter leur proie. Ce premier travail effectué, tous les endroits favorables aux torpilleurs explorés, il y aurait encore à songer aux moyens de les relier soit aux sémaphores voisins, soit aux ports de guerre, afin de pouvoir être prévenu à tout moment des fumées qui paraîtraient nu large et des flottes qui s’approcheraient. Les Autrichiens, dont les côtes très découpées semblent être prédestinées à la défense par les torpilleurs, ont achevé ces investigations depuis longtemps, et chaque année des bateaux sont envoyés dans les stations où ils doivent trouver de l’eau, des vivres et du charbon. Chez nous, encore une fois, elles ne sont même pas commencées ; en dehors de nos ports de guerre, nous n’avons pas un dépôt d’alimens ou de munitions préparé pour nos torpilleurs. Il en sera ainsi tant que la défense des côtes, spécialement confiée à la marine, ne sera pas un des objets principaux de ses préoccupations. Les travaux préparatoires de la guerre doivent être accomplis avec une méthode, une suite, une précision, qui demandent des connaissances techniques et des soins assidus. Il semble qu’en France le plan général d’une organisation de la défense des côtes soit tracé par la nature. Puisque nous sommes entourés de trois mers, pourquoi ne pas charger sur chacune d’elles un vice-amiral du commandement général des forces maritimes ? Il serait secondé dans sa tâche, suivant l’étendue des côtes, par un ou deux contre-amiraux, exerçant sous ses ordres la direction suprême. Nous pourrions dès maintenant rechercher dans quels ports doit résider le vice-amiral, dans quels autres les contre-amiraux ; mais, comme cette question touche à la question plus grave de la suppression de quelques-uns de nos ports de guerre, nous aimons mieux la réserver. Il nous suffira d’ajouter qu’au-dessous du vice-amiral et des contre-amiraux, chaque station de torpilleurs serait commandée, suivant les circonstances, par des capitaines de vaisseau ou des capitaines de frégate. Nous croyons que toute côte ainsi entourée d’un cordon continu de torpilleurs deviendrait facilement invulnérable. Mais il serait indispensable que ce cordon fût, en effet, continu, c’est-à-dire que chaque flottille fût reliée aux autres, de manière qu’elles pussent se réunir en plus ou moins grand nombre, avec une très grande rapidité, là où le péril éclaterait. On n’obtiendrait pas ce résultat en laissant chacune d’elles sous le commandement du chef militaire de la région où elle se trouverait placée, d’un chef militaire peu préparé d’ailleurs à juger