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système du droit domanial tombe en désuétude, le mot royalty change de sens, et, loin d’impliquer un droit de propriété sur les mines au profit du souverain, s’applique généralement à la redevance que le fermier du tréfonds paie au tréfoncier ; la sagesse des gouvernans, l’initiative des gouvernés, portent leurs fruits, et l’industrie minérale, d’ailleurs favorisée par un grand nombre de circonstances exceptionnelles, prend, entre les mains des particuliers livrés à eux-mêmes, un prodigieux essor. Tel est l’enseignement de l’histoire.

C’est qu’en effet l’état, en général, exploite plus cher et moins bien. Il n’est pas aiguillonné par la concurrence, puisqu’il la supprime. Il ne peut que réserver à d’innombrables fonctionnaires une place dans sa hiérarchie, un rôle banal dans un programme écrit d’avance. Aucun d’eux ne croit travailler pour lui-même en travaillant pour tout le monde. Celui qui travaille pour son compte, au contraire, a le secret des petites économies et le vif désir de mieux faire. Il ne se lasse pas soit de perfectionner ses méthodes d’outillage ou d’extraction, soit de chercher les meilleurs débouchés pour ses produits ; car s’il réussit, il est riche, honoré ; s’il échoue, ses enfans vont peut-être manquer de pain. La collectivité ne connaît ni ces espérances ni ces craintes. Qui ne comprend d’ailleurs que des difficultés sans nombre peuvent compliquer les rapports des mineurs et du gouvernement, tantôt amené par des considérations politiques à grossir démesurément les salaires et, par conséquent, obligé de produire à perte, tantôt conduit à sévir contre les ouvriers enrégimentés sous ses ordres et, s’ils résistent, à les traiter en rebelles ? Cependant l’état ne franchit pas impunément le cercle de ses attributions : la collectivité, qui lui reproche quelquefois la sécheresse ou la grêle, attribue naturellement à son impéritie l’échec d’une entreprise téméraire et se dispose à changer de maîtres ou de serviteurs.

Aussi, tandis que M. Girodet a déposé sur le bureau de la chambre une proposition vague, où il est dit d’abord que « la propriété des mines fait retour à l’état, » ensuite qu’une « loi spéciale déterminera leur mode d’exploitation, « MM. Brousse et Giard demandent que « l’exploitation des richesses minières soit concédée par la voie de l’adjudication, par parcelles et pour un temps déterminé. » C’est encore la théorie du « droit domanial, « mais présentée d’une façon plus discrète. Il y a là, du moins en apparence, comme un essai de transaction entre le système qui florissait naguère en Turquie et celui qu’ont adopté, de nos jours, la plupart des nations européennes. Mais, si l’on y regarde de près, rien ne ressemble moins au régime des concessions ni même au régime, moins arbitraire, que la commission des mines de l’Annam et du Tonkin propose d’introduire dans notre « empire colonial. »