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houille français est en moyenne de 3 fr. 76, tandis que celui de l’Anglais est de 3 fr. 74[1] ! Le salaire moyen du Belge est de 3 francs, celui du Saxon de 2 fr. 22, celui du Prussien de 2 fr. 08[2].

Aussi l’Allemagne, qui cherche avec une ardeur infatigable de nouveaux débouchés[3], les trouve-t-elle. Elle s’est frayé, l’an dernier, le chemin de nos départemens septentrionaux et ne laissera pas se fermer la brèche que nos divisions lui ont ouverte. Secondée par clos tarifs exceptionnellement réduits, elle expulse peu à peu les charbons français de la Suisse et de l’Italie. L’Angleterre, en même temps, nous fait une guerre acharnée sur tout le littoral méditerranéen et, grâce au bas prix du fret, nous déloge des positions autrefois conquises. Marseille, qui consomme annuellement 800,000 tonnes de charbon, en prend 400,000 aux Anglais ; Marseille qui, à moins de 200 kilomètres, trouve des mines inépuisables, demande la moitié de sa consommation à des mines étrangères, situées à plus de 1,500 kilomètres. Cependant nous avons besoin de la houille, non-seulement pendant la paix, mais pendant la guerre. Sans bouille, ni chemins de fer ni bateaux à vapeur : une nation privée de houille et qui va se battre est comme un cheval fourbu qui s’apprête à courir. Aussi commettrions-nous une faute impardonnable en paralysant, en diminuant par des mesures impolitiques la production française, puisque nous pourrions être pris au dépourvu d’un moment à l’autre et que nous nous trouverions à la merci de nos voisins. Il y a, par malheur, quelques Français que ces considérations ne touchent pas, parce que la notion de la patrie s’est effacée de leur esprit et qu’ils opposent, dans leurs conceptions chimériques, l’intérêt de la démocratie universelle à celui de la France. Qu’ils y réfléchissent eux-mêmes : pendant que les exploitans de l’Angleterre et de l’Allemagne continueraient d’améliorer, en s’enrichissant, la condition de leurs ouvriers, nos ouvriers s’appauvriraient avec nos mines et se ruineraient avec elles. La patrie y aurait beaucoup perdu et la démocratie n’y aurait rien gagné.


ARTHUR DESJARDINS.

  1. Voir le Capitaliste du 26 mars 1884.
  2. Même article. D’après les chiffres produits à la tribune par M. le ministre des travaux publics, le salaire moyen du mineur, pour 1882, était en Belgique de 3 fr. 077 et variait en Silésie de 2 fr. 69 pour les piqueurs et 1 fr. 78 pour les routeurs à 1 fr. 74 pour les autres ouvriers.
  3. Par exemple la récente assemblée des actionnaires des charbonnages de Dahlbusch accuse pour 1883 un bénéfice de plus de 3 millions, dont un tiers seulement est distribué et deux tiers sont destinés « à ouvrir des débouchés nouveaux à l’étranger, »