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vie. Le sujet vaut la peine d’être traité plus à fond, tant les conséquences ont été graves dans les années précédentes, tant il importe d’y mettre un terme. Quant aux assurances sur la vie même, il convient de dire un mot des diverses combinaisons qui, adoptées récemment, ont servi à leur extension, et qui du chiffre de 500 millions d’assurances sur la vie, noté par nous en 1869, l’ont porté à celui de 3 milliards que nous relevions en 1883 pour une vingtaine de compagnies françaises.

Le vieux mode de tontines sous lequel, dans les siècles précédens, la mutualité avait servi de base à des assurances sur la vie, s’est transformé et tend à reparaître avec de sérieux avantages. La tontine consistait à réunir, pour un certain délai, des sommes dont les intérêts devaient s’accumuler, et, à l’expiration du terme, à en partager le total entre les associés survivans. Nulle distinction d’âge, de santé, de mortalité n’était faite au préalable. Cette accumulation des intérêts et les chances trop faibles de mortalité entre des individus appartenant aux mêmes classes de la société avaient donné des résultats tellement insignifians que les tontines périrent d’elles-mêmes et ne se renouvelèrent pas. Une société nouvelle, la Fourmi, vient de prendre utilement leur place; et sans la donner comme un type unique, nous la présentons comme un bon exemple à citer. Elle a convié les ouvriers, les employés modestes, les artistes, à lui donner 0 fr. 10 par jour qui seront centralisés et employés en achats de valeurs à lots, c’est-à-dire qui ajouteront aux intérêts accumulés le profit des tirages au sort. Constituée par période de dix années, cette société sera la véritable loterie de l’épargne, et, on peut le dire, de la bienfaisance, puisqu’il est permis de verser pour un tiers et de lui constituer ainsi une épargne en participation. Les résultats de cette œuvre, à laquelle participent les hommes les plus compétens et les plus éminens, parmi lesquels nous citerons M. Edouard Hervé, M. Francisque Sarcey, M. Henri Durrieu, le président du Crédit foncier, M. Christophle, dont les administrateurs, et l’on peut dire les employés, ne touchent ni rémunération ni jetons de présence, comptait, au 24 février 1884, 1,265,000 francs de fonds versés; fin décembre dernier, ce chiffre avait doublé; dans un an, on suppose bien qu’il s’élèvera à plus de 4,000, 000 de francs.

La Fourmi n’est toutefois pas une véritable société mutuelle, pas plus que les sociétés de secours qui en portent le nom et qui ont besoin, pour produire tous les avantages qui en découlent, du concours de bienfaiteurs divers, du secours des villes, des départemens et de l’état. La mutualité, nous le verrons plus tard, ne peut être une base équitable d’assurances sur la vie et ne se prête pas à des calculs positifs sur lesquels toute société qui a besoin de bien faire pour vivre doit équilibrer ses chances et établir ses opérations :