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que les efforts de M. de Courcy se sont surtout concentrés. Pénétré de l’idée que ce qu’il faut demander par l’assurance sur la vie, c’est la constitution d’un capital en cas de mort, plutôt que la création d’une rente viagère pour la vieillesse, M. de Courcy a cherché à étendre cette mesure non-seulement aux employés de sa compagnie, pour lesquels a été créée une caisse de prévoyance qui pourrait servir de modèle à toutes les sociétés jalouses d’assurer dans l’avenir une situation meilleure à ceux qui travaillent pour elles, mais il a voulu étendre ce bienfait à tous les serviteurs de l’état. Il a dressé le plan d’une association universelle qui serait alimentée, comme le sont aujourd’hui les caisses de l’état, par des retenues sur le traitement, auxquelles s’ajouterait le total des sacrifices que l’état s’impose pour parfaire le montant des retraites obtenues ; mais cette institution ne procurerait pas seulement aux anciens serviteurs du gouvernement des rentes viagères : elle leur offrirait aussi le choix de jouir de ces rentes jusqu’à leur mort ou d’obtenir au moment de leur mise en retraite une sorte de patrimoine reconstitué profitable à leurs veuves et à leurs enfans.

Ce que cette révolution financière aurait d’avantageux au point de vue moral, à celui de la repopulation du pays, de la bonne conduite des fonctionnaires eux-mêmes, n’a pas besoin d’être démontré. Après de très longues études faites par les agens de l’administration et où l’intervention de M. de Courcy a été toujours active, sa pensée a fini par être adoptée par le gouvernement, et un projet a été déposé au sénat, en décembre 1877, pour la reconstitution générale des retraites civiles : adopté par lui, il a été renvoyé à la chambre des députés. Un rapport de M. Godefroy Cavaignac a été rédigé et distribué à la séance du 19 mai 1883, mais il concluait au rejet, et depuis lors le silence s’est fait sur la grande réforme qu’il s’agissait d’opérer; le projet de loi n’est pas venu à discussion. Pourquoi donc ? Par une raison bien simple : sans viser la question de savoir si ce nouveau mode de secours n’entraînerait pas pour l’état de plus grands sacrifices que l’ancien, celui de 1852, on a remarqué qu’en principe les retenues sur les appointemens des fonctionnaires figurent dans les recettes ordinaires du budget ; dépassent-elles, ou non, les sommes payées pour les retraites ? peu importe. L’état inscrit celles-ci dans les dépenses ordinaires, et on se dit que les pensions viagères finissent par s’éteindre, en ne créant qu’une dette provisoire qui cessera par la mort de ceux qui en jouissent; mais s’il fallait laisser aux intéressés la faculté de rentrer dans des capitaux plus ou moins importans, où en prendrait-on le montant ? Il aurait fallu faire des réserves sur les versemens des employés séparément et avec accumulation des intérêts, créer en un mot un budget spécial et priver ainsi le budget général de l’emprunt déguisé et