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Elles ne signifient généralement rien dans les écoles naturalistes, ou, s’il en est quelques-unes de plus significatives, elles n’expriment guère que le tempérament particulier de leur auteur, sa façon personnelle de voir plutôt que de penser, et sa conception involontaire, inconsciente, irraisonnée de la vie. C’est ce que je crois avoir une fois essayé de traduire en disant que l’idéalisme, — dans le roman comme ailleurs, — pourrait bien consister à avoir des idées, et, — réciproquement, — le naturalisme à n’en avoir pas. Ceux qui n’ont pas d’idées voudraient bien nous persuader que les idées sont inutiles, embarrassantes, nuisibles même,


Que nous sert cette queue ! Il faut qu’on se la coupe,
Si l’on me croit, chacun s’y résoudra;


mais ceux qui en ont ne veulent pas écrire comme s’ils en manquaient, à cette seule fin de faire plaisir à ceux qui n’en ont pas ; — et voilà peut-être tout le débat. Quoi qu’il en soit, il y a toujours une idée dans les romans de M. Feuillet : l’Histoire d’une Parisienne ou la Veuve; et pour un peu je dirais une thèse, comme dans l’Histoire de Sybille et dans Monsieur de Camors. Que la thèse, après cela, prête à la controverse, il n’importe pas, ou il n’importe guère. Toujours est-il qu’elle communique au drame ou au roman qui la discute une valeur, un sens, une portée que ne sauraient avoir le drame ou le roman qui se bornent, comme l’on dit, à copier la nature. Mais je vais plus loin, et j’ajoute que si seulement la discussion ou la démonstration de la thèse n’ont rien coûté des qualités d’intérêt que l’on exige à bon droit du drame ou du roman, c’en est assez pour classer l’œuvre au premier rang de son genre. Sans le moindre appareil dialectique, sans le moindre étalage de philosophie, sans la moindre affectation enfin d’aucune sorte, M. Feuillet, dans la plupart de ses romans, a discuté quelques-unes des thèses les plus intéressantes que le roman puisse en effet traiter; et, pour ne le comparer ici qu’à lui-même, c’est ce qui met dans son œuvre, si fort au-dessus de Bellah, par exemple, et du Roman d’un jeune homme pauvre, l’Histoire de Sybille et Monsieur de Camors.

Oserai-je dire là-dessus qu’en choisissant dans la discussion de ces thèses le parti qu’il a pris, M. Feuillet a pris le meilleur qu’il fallait pour le plaisir de ses lecteurs et la valeur de ses romans? Aujourd’hui que vingt ans sont passés, il suffirait, pour s’en convaincre, après avoir relu Sybille, de relire à son tour Mademoiselle de la Quintinie, l’éloquente réplique, mais moins intéressante qu’éloquente, qu’y voulut faire ici même George Sand. J’ignore, ou plutôt je veux ignorer le genre d’éducation qui convient le mieux aux femmes ; mais, ce que je sais bien, c’est ce que les croyances mêmes de Sybille introduisent