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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/295

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causes portées devant lui en matière civile, correctionnelle et commerciale ; il jugeait directement es affaires criminelles. Des assesseurs musulmans étaient appelés à siéger, avec voix consultative, auprès des juges français, toutes les fois qu’un de leurs coreligionnaires se trouverait intéressé ou impliqué dans la cause. La juridiction des cadis et des rabbins était maintenue, mais dans des limites plus restreintes. Le soin d’organiser, de diriger et de surveiller les nouveaux établissemens judiciaires en Algérie était confié temporairement, avec le titre de procureur-général, à un député, ancien membre de la commission d’enquête et de la commission d’Afrique, tout à fait acquis à la cause de l’occupation, qu’il venait de défendre éloquemment devant la chambre, M. Laurence. Alger le revit avec plaisir ; il y arriva, le 27 septembre, en même temps que le comte d’Erlon, gouverneur-général, et l’intendant civil, M. Lepasquier, qui venait de quitter, pour succéder à M. Genty de Bussy, la préfecture du Finistère.

L’arrêté ministériel du 1er septembre prescrivait l’exécution de trois mesures destinées à donner confiance aux Européens et à bien montrer aux indigènes que le gouvernement était résolu à s’établir définitivement sur le terrain conquis. La municipalité d’Alger jusqu’alors n’avait eu qu’une existence provisoire et mal réglée; un conseil municipal de dix-neuf membres, dix Français, six musulmans, trois juifs, nommés annuellement par le gouverneur, fut institué, avec des attributions à peu de chose près semblables à celles qui étaient de règle en France. Le Fhas fut divisé en neuf, puis en quatorze communes rurales, administrées par un maire français et deux adjoints, dont un indigène. Enfin, un collège, analogue aux collèges communaux de la mère patrie, allait donner aux enfans de toute origine l’éducation française.

« Le roi des Français, votre seigneur et le mien, avait dit le comte d’Erlon dans une proclamation aux indigènes, m’a confié le gouvernement de vos contrées. Il vous considère comme ses enfans ; sa force est immense. Jamais les Français n’abandonneront le sol africain. Préférez l’ordre et la soumission à l’anarchie et à la guerre; accueillez les Européens dans vos tribus. Je serai doux avec les bons, terrible avec les méchans. Ma porte sera toujours ouverte au pauvre et à l’opprimé ; mon cœur ne repoussera aucune plainte juste. » Ce langage fit d’abord quelque effet ; Abd-el-Kader lui-même s’en inquiéta. Comme le général Desmichels allait partir d’Oran pour Alger afin de connaître les véritables intentions du gouverneur, l’émir prescrivit à Miloud-ben-Harach de l’accompagner et de remettre au comte d’Erlon une lettre obligeante, obséquieuse, au fond très hardie : « Je charge, disait-il, Miloud-ben-Harach