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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/309

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ordres du gouverneur, à moins qu’il y eût urgence et qu’il fallût repousser la force par la force. »

Après son arrivée à Oran, un des premiers soins du général Trézel fut de faire, en compagnie du chef d’état-major de la division, le commandant de Maussion, nouveau venu comme lui, ce qu’il appelait son éducation locale : « Oran, écrivait M. de Maussion, est une grande, immense ville, mais dont la surface est à moitié occupée par un ravin qui la coupe en deux, par des forts, des jardins, des ruines. Dans un terrain qui semble devoir contenir 60,000 âmes, il y a place à peine pour 2,000 habitans et 3 ou 4,000 militaires; mais aussi rien de plus pittoresque que l’enceinte de cette ville et de ses forts à hautes murailles s’étendant sur des falaises escarpées, sur des sommets de montagnes et dans une vallée couverte de verdure. » Hors des murs, tout ce pittoresque s’évanouit ; l’étendue sèche, dénudée, pas un arbre. Ils s’en vont visiter Arzeu et Mostaganem. Qu’est-ce qu’Arzeu, l’ancienne Mersa, en ces premiers mois de l’année 1835? « Un petit fort, des magasins, trois maisons bâties de cet hiver, dont deux cabarets ; de l’eau saumâtre et pas un pouce de terre cultivée. Autour de la rade, on trouve les vestiges de trois villes dans une longueur de quatre lieues ; à présent, tout est désert ; mais si la paix dure, le commerce repeuplera le pays, qui est fertile et assez joli. » Voici Mostaganem : « Une lieue en deçà commencent des jardins plantés d’arbres fruitiers de toute espèce, — la vallée de Montmorency, dit le général Trézel, — de vignes, de coton, de légumes. Le pays est couvert de verdure, semé de maisons de campagne, mais toutes ces maisons sont en ruines, toute cette belle contrée est déserte. Les habitans se sont enfuis quand nous avons pris Mostaganem, et, depuis la paix, Abd-el-Kader les empêche de rentrer. C’est une chose incroyable que la quantité de ruines qui couvre ce pays. Outre les maisons isolées et la petite ville de Mazagran, qui n’a plus un seul habitant, Mostaganem même est aux deux tiers détruit. On voudrait avoir 15 ou 20,000 émigrans à jeter dans ces deux villes de Mazagran et de Mostaganem et dans les jardins abandonnés qui les entourent; ils y trouveraient de quoi vivre à l’aise. »

Pendant ce temps, le comte d’Erlon s’amollissait de plus en plus dans ses égards pour Abd-el-Kader : « Tâchez, écrivait-il le 18 mars au général Trézel, tâchez d’amener l’émir à la reconnaissance, au moins en droit, de l’autorité de la France et à la délimitation des pays sur lesquels son autorité pourra s’étendre. efforcez-vous, en attendant, de maintenir le statu quo du traité du 26 février et surtout de ne blesser l’émir en rien. Comme Abd-el-Kader tient absolument à se procurer des armes et des munitions, notre artillerie