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Le général Trézel avait l’âme haute. Ceux mêmes qui critiquaient la conduite des opérations, rendaient hommage au sentiment qui l’avait fait agir. « Pour moi, disait l’un d’eux, j’absoudrais presque la conséquence, tout affreuse qu’elle a été, en faveur du principe. Il était bon que quelqu’un résistât enfin au flot toujours grossissant des concessions du gouverneur et protestât tout haut contre le soin qu’il prend d’armer de verges de fer la main qui nous menace. Le général Trézel s’est fort bien conduit personnellement dans cette circonstance ; il a inspiré une sorte d’admiration aux débris de sa fragile armée par la bravoure dont il a fait preuve. Il a voilé les torts de la troupe, qui paraissent avoir été grands, pour attirer toute l’attention et tout le blâme sur ses propres fautes. Il s’est fait anathème pour les péchés de tous. »


VII.

Le comte d’Erlon ne connaissait encore que la reprise des hostilités autour d’Oran, lorsque voulant faire de son côté quelque chose qui ne le compromît pas trop, il imagina d’opposer à la grande autorité des beys de Médéa et de Miliana l’influence bien déchue de Ben-Omar. Ce ne fut pour lui comme pour ce Maure intrigant qu’une déconvenue de plus par-dessus tout ce qu’ils avaient déjà l’un et l’autre amassé de mécomptes. Les gens de Blida refusèrent de recevoir le chef discrédité que leur envoyait le gouverneur, et le lieutenant-colonel Marey, qui était venu pour l’installer avec seize cents hommes, fut obligé de s’en revenir sans autre résultat que d’avoir inutilement fatigué sa colonne. « Marey se coule de plus en plus, écrivait La Moricière à Duvivier : dans sa marche sur Blida il a si mal mené l’infanterie que plus de la moitié n’a pu suivre ; cinq hommes sont morts de chaleur. On est furieux contre lui. » Quel dut être le mécontentement du ministre de la guerre, à qui le comte d’Erlon, sans attendre le retour de la colonne expéditionnaire, avait eu l’imprudence d’annoncer comme une chose faite l’installation de Ben-Omar à Blida !

C’est le 6 juillet qu’il écrivait cette dépêche malencontreuse ; ce jour-là, dans Alger, tout était en rumeur ; de mauvais bruits, apportés par les Arabes, couraient par la ville ; le courrier d’Oran les confirma le lendemain. Quand, surpris par l’initiative du général Trézel, le comte d’Erlon, à grand peine, avait subi la fatalité d’une rupture, il avait compté sur la victoire ; la défaite l’exaspéra. Non content d’accabler, dans un acte officiel, son lieutenant trahi par la fortune, il fit sur-le-champ partir pour le relever de son poste le général d’Arlanges et lui intima l’ordre de rentrer directement en