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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/326

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étrangère, venait, par une convention nouvelle, de lui céder toute la légion ; malgré la gravité des circonstances, le comte d’Erlon n’osa pas prendre sur lui de surseoir à l’exécution des ordres ministériels. Cinq mille cinq cents hommes furent ainsi enlevés tout d’un coup à l’armée d’Afrique.

Le dernier bataillon quitta Oran le 8 août; le même jour, le comte d’Erlon quittait Alger pour toujours. Il y avait quelque temps déjà que son remplacement était chose décidée dans le conseil du roi ; l’affaire de la Macta ne fit que hâter l’exécution d’une mesure convenue. Une ordonnance royale, du 8 juillet, lui donna pour successeur au gouvernement général des possessions françaises dans le nord de l’Afrique, le maréchal Clauzel.

Le maréchal Maison, ministre de la guerre, avait fait au général Trézel un accueil sympathique ; il y avait ajouté même la promesse réitérée de le renvoyer prendre sa revanche en Afrique ; mais le comte d’Erlon, de plus en plus aigri par sa disgrâce, s’opposa si violemment à l’exécution de cette promesse, en disant partout que ce serait un nouvel affront pour lui, qu’il ne fut pas permis au ministre d’y donner suite. Confiné dans le commandement du département de la Dordogne, le général Trézel écrivait au lieutenant-colonel Duvivier : «C’est une triste destinée pour un militaire de finir par un échec qui doit rester dans nos souvenirs. J’en eusse été allégé si l’on n’eût pas révoqué l’ordre donné d’abord d’aller prendre ma revanche, et je l’eusse fait sans hésiter avec cinq ou six mille hommes, sans bruit et, j’espère, sans scandale ; mais n’y pensons plus. »

Oui, l’échec, ce n’est pas assez dire, le désastre de la Macta, devait rester dans le souvenir de la France ; mais en irritant douloureusement la fibre nationale, il a eu sur l’opinion, un peu stagnante, un effet inespéré : il lui a donné un courant décidément favorable aux choses d’Afrique. À cette impulsion en quelque sorte spontanée du sentiment public, une autre alors est venue s’ajouter de très haut. Attentif depuis cinq ans aux péripéties de la lutte algérienne, l’héritier de la couronne, le duc d’Orléans, saisit l’occasion. Il réclama et il obtint du roi son père, plus difficilement des ministres, le droit d’aller, lui, petit-fils de saint Louis, gagner ses éperons sur la terre africaine et prendre sa part de la réparation exigée par l’honneur des armes françaises. Les intérêts de l’Algérie allaient avoir désormais un intelligent et puissant défenseur. C’est ainsi que le désastre de la Macta a plus fait assurément pour l’avenir de la conquête que n’aurait pu faire une victoire.


CAMILLE ROUSSET.