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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/397

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toute la contrée porte les vestiges d’une ancienne civilisation : on y voit même les ruines de plusieurs grandes villes, mais sur l’origine desquelles les indigènes n’ont aucune notion.

C’est en 1869 que les Russes se fixèrent pour la première fois sur le rivage oriental de la mer Caspienne. Le général Stoliétof y fonda la station militaire de Krasnovodsk sur l’emplacement d’un village de pêcheurs cosaques. En 1871, les Russes s’emparèrent de Tchikichliar, à l’embouchure de l’Atrek, mais cet établissement fut abandonné, peu après son occupation, à cause de son voisinage aride et insalubre. La rade de Tchikichliar n’offrait du reste qu’un mauvais mouillage ; le général Lazaref en fit cependant son point de départ, en 1878, lorsqu’il fut chargé d’une expédition contre les Tekkés, qui exerçaient leurs brigandages jusque sous les murs de Krasnovodsk. Méconnaissant le nombre et le courage des ennemis solidement retranchés derrière les murs de Ghéok-Tépé, les Russes furent battus. Il fallait, pour conserver au nom russe son prestige, s’emparer à tout prix de Ghéok-Tépé. Cette importante mission fut confiée au général Skobélef. Quoique les péripéties de cette lutte soient connues, nous en donnerons quelques détails tirés des lettres d’un compatriote, officier dans l’armée russe.

Skobélef, prévoyant les difficultés d’une marche dans le désert, divisa son armée en deux colonnes devant partir, l’une de Tchikichliar, l’autre de la baie de Michaïlovsk, pour se réunir à Bami, fort tekké, à l’entrée de l’Akhal ; et, bien que le chemin de fer de la baie de Michaïlovsk à Kizil-Arvat n’ait été entièrement livré à la circulation qu’en septembre 1881, le général en utilisa quelques tronçons pour transporter son matériel et une partie de ses troupes. Le 10 juin, l’avant-garde, commandée par Skobélef, s’empara de Bami ; l’ayant fortifié et approvisionné, le général, avec 400 hommes et 16 canons, poussa, en juillet, une reconnaissance jusque sous les murs de Ghéok-Tépé, mais ce ne fut que dans les derniers jours de décembre 1880 qu’il put investir cette place avec 58 bouches à feu et 8,000 hommes.

Ghéok-Tépé formait un grand carré de 8 verstes de tour, dont les murs en terre glaise, hauts de 7 mètres et d’une épaisseur considérable, étaient entourés d’un fossé en partie plein d’eau. Trois forts avancés, occupés par d’excellens tireurs, en défendaient les approches, pendant qu’au nord-est un monticule, en forme de cavalier, et armé d’un gros obusier, dominait toute la place. Dans l’intérieur de cette forteresse, commandée par le fameux Tokma-Serdar, les Tekkés avaient dressé près de 9,000 tentes pour abriter la population de l’oasis, qui s’y était réfugiée, de sorte qu’au moment de l’attaque, Ghéok-Tépé renfermait bien 30,000 à 40,000 personnes;