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Que cette chambre, qui s’est réunie l’autre jour avec le sentiment de sa fin prochaine, continue donc le travail qu’elle vient de reprendre et qu’elle aille, fatiguée, distraite, préoccupée, jusqu’au bout de ses œuvres, la question commence à changer de face ou à se déplacer ; elle sera désormais à peine au Palais-Bourbon. A côté de cette session dernière d’une assemblée qui n’a plus que quelques mois à vivre, il y a ce qu’on pourrait appeler la session extérieure, qui va se dérouler dans le pays : formation de comités, préparation des candidatures, discussion des programmes, négociations entre les partis, combinaisons des listes. Ce n’est pas précisément encore l’agitation, la mêlée bruyante et violente, c’est le prélude de l’action électorale qui se dessine. Déjà, dans tous les camps, on commence à s’organiser et à préparer ses armes. Conservateurs, républicains modérés, opportunistes, radicaux prennent leurs positions. Dans quelques départemens, notamment à Versailles et à Caen, dans quelques autres villes, des comités se sont formés; il y a eu des réunions, des discours et des manifestes. On n’en est encore, sans doute, qu’à ces préliminaires de la prochaine bataille. Tels qu’ils sont cependant, ces simples préliminaires ont un avantage : ils sont un premier indice ; ils révèlent les craintes, les espérances, les tactiques des partis, comme aussi ils laissent entrevoir les difficultés qu’il y aura vraisemblablement, dans tous les camps, à s’entendre sur un système de conduite, à choisir et à préciser le vrai terrain de combat. Dans quelle mesure et dans quels termes, par exemple, s’opérera cette « concentration des forces républicaines » que le nouveau ministère a inscrite dans son programme? Comment se réalisera cette union que les tacticiens du parti considèrent comme une condition de succès, en dehors de laquelle ils ne voient que périls pour le régime?

Rien n’est certainement plus facile que de prêcher la paix aux groupes discordans, de démontrer aux républicains de toutes les nuances davantage de se rapprocher, de se confondre sur les mêmes listes en oubliant leurs divisions et en simplifiant leurs programmes, en ne prenant d’autre mot d’ordre que le nom de la république. Il s’agit toujours de savoir de quelle république on parle, si c’est la république telle qu’on l’a faite depuis quelques années, si on entend demander au pays de ratifier et d’encourager par un vote nouveau la politique républicaine qu’on a suivie dans ces derniers temps et qui a si bien réussi. C’est là justement la question délicate et embarrassante pour les maîtres d’aujourd’hui qui veulent rester les maîtres de demain. C’est, au fond, la vraie question que M. Ribot a exposée il y a quelques jours dans une réunion d’une petite ville du Pas-de-Calais, à Saint-Pol. M. Ribot est un des hommes sérieux et écoutés de la chambre; il a de l’autorité par sa parole; il est resté le représentant des idées sages dans une majorité qui ne sait guère ce que c’est que la sagesse des idées. Il a aujourd’hui le mérite d’avoir fait un des premiers son programme, le