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eux-mêmes, à se dégager de toutes les équivoques et des complicités onéreuses, à n’avoir pas toujours l’air de craindre de se rencontrer avec les conservateurs, quand ils pensent comme eux, et de se séparer d’une majorité dont ils désavouent les passions et les excès. Ils n’auront plus, dira-t-on, aucun moyen d’exercer leur influence modératrice sur cette majorité, d’essayer de l’éclairer, de la ramener ou de la retenir; ils ne seront plus qu’une petite minorité perdue dans le parlement. Peu importe ; ils ne seront qu’un petit nombre, mais ils sortiront de cette incohérence, ils soutiendront leur cause sans s’égarer dans de vaines tactiques. Ils porteront devant le pays le drapeau du libéralisme modéré sans avoir à compter perpétuellement avec de compromettans alliés, et d’ailleurs ils ne peuvent plus se faire illusion. Cette influence modératrice, qu’ils se flattent encore d’avoir, quel moyen ont-ils de l’exercer, lorsque jusqu’ici ils n’ont pu réussir à la faire prévaloir?

Les conseils que distribue M. Ribot ont certainement un grand prix et pourraient être fort utiles s’ils étaient écoutés. — Il faut « se dégager de toute préoccupation de parti et se placer au point de vue supérieur des intérêts de la France... « Il faut « créer un gouvernement national qui fasse l’apaisement, qui soit le gouvernement de la France et non le gouvernement d’un parti... Il faut fermer au plus vite cette question religieuse si imprudemment laissée ouverte... Il faut mettre résolument de côté tout ce qui est en quelque sorte le fatras de la politique révolutionnaire,.. tout ce qui divise et tout ce qui irrite, tout ce qui fausse la politique et la jette dans les chemins violens... » Rien certes de plus juste et de mieux pensé. Il n’y a qu’un malheur, c’est que les républicains que M. Ribot se propose de rallier à son programme, qu’il a besoin de convertir, ne semblent guère pour le moment s’inspirer de ces sages conseils. Tandis que le brillant orateur de Saint-Pol parle en homme prudent et prévoyant, les républicains du parlement poursuivent plus que jamais leur œuvre de secte. Déjà, dans le dernier budget, ils avaient diminué sans réflexion et sans mesure, pour satisfaire leurs passions, les crédits de quelques-uns des plus importans services des cultes; ils avaient notamment presque supprimé la dotation de cette église d’Afrique, qui remplit un rôle national autant que religieux, pour laquelle M. le cardinal de Lavigerie est obligé de s’adresser à la générosité publique. Les voilà aujourd’hui reprenant avec une ardeur nouvelle cette intelligente guerre aux cultes, aux influences religieuses; ils ont recommencé à chercher dans le nouveau budget comment ils pourraient diminuer encore les crédits des services ecclésiastiques, et un moment, à ce qu’il paraît, dans la commission du budget, il n’aurait été question de rien moins que d’examiner, d’accord avec le ministère, des mesures destinées à préparer l’abolition définitive du concordat, la séparation de l’état et de l’église. Voilà