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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/586

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indéfiniment des glands et d’autres chênes semblables à lui-même. Dans l’impossibilité où nous sommes de comprendre l’opération par laquelle l’infini passe au fini, nous pouvons en trouver ici une image suffisante : c’est celle d’une puissance ou d’une force qui ne s’épuise pas dans sa multiplication, qui reste entière et aussi pleine qu’auparavant dans son développement au dehors ; et, comme ce n’est pas un être particulier, selon les propres principes du panthéisme, mais l’être lui-même, il contient donc en lui la source indéfectible et inépuisable de l’être. Que signifie cette plénitude, cette indéfectibilité de l’être, si ce n’est précisément ce que les cartésiens appelaient la perfection ? Nous accordons à M. Vacherot que l’être parfait, en tant qu’il est l’être humain transfiguré, n’est qu’un idéal, un modèle d’imagination ; mais il n’en est pas de même de l’être en soi, entendu comme plénitude absolue de l’être, comme inépuisable source d’existence. Est-il absolument nécessaire, pour que j’aie l’idée de Dieu et pour que j’éprouve le sentiment d’ineffable vénération que mérite ce nom, de me le représenter sous la forme des attributs humains ? Ne me suffit-il pas que ces attributs soient contenus en lui en puissance et au-delà, et, comme on dit dans l’école, éminemment ? Ne me suffit-il pas de savoir que tout ce que j’admire, tout ce que je vénère, que tout ce j’aime est expression, émanation, fulguration de l’être absolu ? d’où il suit qu’il est lui-même tout cela condensé et synthétisé dans une insondable essence ? Cause finale et cause première, il est en tout et tout est en lui : n’est-ce pas assez accorder à l’immanence, et faut-il aller jusqu’à dire qu’il est tout et que tout est lui, au risque de voir s’évanouir l’un ou l’autre de ces deux termes ? S’il n’est pas une personne, il est ce qui rend la personnalité possible : s’il n’est pas bon, il est le bien ; s’il n’est pas sage, il est la vérité ; s’il n’est pas libre à la manière humaine puisqu’il est impeccable, qu’il ignore la délibération, le choix et l’erreur, il n’en est pas moins supérieur au fatalisme et au déterminisme, puisque c’est lui qui produit le déterminisme au lieu de le subir.

Maintenant, après avoir accordé que la nature de l’homme et celle de Dieu sont incomparables, incommensurables, que l’être de Dieu n’est pas univoque avec celui des créatures, est-il vrai cependant de dire, comme M. Vacherot, qu’il n’y ait rien à tirer de la conscience humaine pour s’élever jusqu’à la divinité ? Sans doute, Fénelon a dit avec raison : « Dieu n’est ni esprit ni corps ; il est tout ce qu’il y a d’essentiel dans les corps et dans les esprits. » Mais tout en accordant que Dieu n’est pas esprit dans le sens fini, ne peut-on pas dire cependant qu’il est plus esprit que corps ? De tout ce que nous connaissons, l’esprit n’est-il pas ce qui se rapproche le plus de lui ? Et ne sommes-nous pas autorisés à trouver dans notre