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JEANNE D'ARC
DANS
LA LITTERATURE

POESIE ET VERITE

On peut dire de Jeanne d’Arc qu’elle est entrée dans notre histoire comme les divinités de l’ancien monde entraient dans le mythe : la terre tremble sous le choc des batailles, les tueries se succèdent sans intervalle, remparts démantelés, donjons incendiés, assauts livrés et repoussés, villes perdues et regagnées, et, du milieu de ces horreurs, de ces paniques, de cet abandon universel dans le désespoir, ses ivresses et ses folies, une jeune fille armée en guerre surgit tout à coup, valeureuse et simple, indomptable, inspirée, bonne au pauvre monde. Deux ans à peine lui suffisent pour retourner la fortune du pays, et, sa mission achevée, elle disparaît dans les flammes d’un bûcher. Envisagée du point de vue providentiel, c’est un épisode de la Divine Comédie que cette histoire, un mythe dantesque. Il était une fois une bergère, et cette bergère sauva la France. Dieu nous avait frappés pour nos péchés, mais il ne voulait pas la mort du royaume, car les peuples ont à ses yeux des fonctions diverses que chacun d’eux doit remplir en son lieu et à son heure : l’expiation ayant duré son temps, celui qui avait envoyé le fléau suscita la délivrance, et la Pucelle vint à son tour