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dans l’Algérie et dans l’Inde, ainsi que cela s’était vu auparavant sous les Mongols : quoique les khans mongols fussent païens, on laissa nommer par eux les muftis et les cadis. L’administration austro-hongroise accueillit donc avec une extrême bienveillance la demande des musulmans bosniaques. Mais, comme elle avait alors à compter avec les difficultés extraordinaires qu’offrait l’organisation nouvelle à créer dans les provinces occupées, et surtout comme elle ne connaissait pas d’une manière assez précise les personnes capables d’occuper le poste de reis-el-uléma, elle crut devoir ajourner à une époque plus tardive la réforme sollicitée. Ce vœu formulé par les musulmans était tellement enraciné dans la population qu’il fut reproduit de nouveau à diverses reprises. Présenté encore une fois à l’empereur lui-même en 1880, lors de l’envoi d’une députation à Vienne, il demeura aussi sans résultat, ce qui ne l’empêcha pas de reparaître, en 1881, dans une supplique adressée au gouvernement. Il était réservé à l’année 1882, comme nous le verrons bientôt, de résoudre définitivement cette question.

Après les mahométans vint le tour des chrétiens orthodoxes orientaux, au printemps de 1879. Ceux-là ne soulevèrent pas de grands projets de réorganisation, mais ils demandèrent d’importantes réformes intérieures. Les notables orthodoxes réclamèrent notamment la fondation d’écoles et de séminaires théologiques, afin de former peu à peu un clergé instruit et éclairé ; puis la nomination d’un gardien éparchial, chargé de diriger et de surveiller le bas clergé, et enfin la création de consistoires épiscopaux. En ce qui concerne leur dépendance envers le patriarche œcuménique de Constantinople, ils se bornèrent à remarquer que le patriarcat favorisait la simonie et faisait exploiter le peuple bosniaque par des évêques de nationalité grecque. Les vœux des orthodoxes de Bosnie fuient ensuite portés au pied du trône, à Vienne même, par l’archimandrite de Serajewo, Sava Kasanovitz. Présentant les désirs de ses compatriotes dans la forme la plus adoucie, l’archimandrite, originaire lui-même d’Herzégovine, demanda un collège, un séminaire et un consistoire à Serajewo. Il insista d’ailleurs, comme on l’avait fait précédemment, sur l’insuffisance évidente du clergé orthodoxe et sur la nécessité d’obvier à ce vice radical. Parmi les prêtres orientaux du pays, un certain nombre, on le sait, étaient incapables de lire couramment et, par suite, de surveiller les établissemens d’instruction. D’autre part, les deux métropolitains de Serajewo et de Zwornik, voyant que leurs honoraires pouvaient difficilement leur être payés par la population, demandèrent que la dîme qui leur était allouée fût prélevée directement par les autorités impériales. On ne satisfit pas alors à cette demande. Mais on en tint compte en ce sens que les