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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/846

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façon très marquée les cheveux et les yeux noirs, le teint bilieux, basané ou mat, et d’autres cultivateurs, Croates aussi, mais du rite grec uni à Rome, étaient la plupart blonds, avec la peau claire et des yeux gris. La race slave pure est certainement blonde. Si quelques tribus ont les cheveux bruns ou noirs, cela doit provenir de la proportion plus ou moins grande d’autochtones que les Slaves se sont assimilés quand ils ont occupé les différentes régions où ils dominent aujourd’hui. Ma visite des zadrugas confirme l’opinion favorable que je m’en était formée précédemment et augmente mes regrets de les voir disparaître. Ces communautés ont plus de bien-être que leurs voisins ; elles cultivent mieux, parce qu’elles ont, même relativement, plus de bétail et plus de capital.

En raison de leur caractère coopératif, elles combinent les avantages de la petite propriété et de la grande culture. Elles empêchent le morcellement excessif ; elles préviennent le paupérisme rural ; elles rendent inutiles les bureaux de bienfaisance publique. Par le contrôle réciproque, elles empêchent le relâchement des mœurs et l’accroissement des délits. De même que les conseils municipaux sont l’école primaire du régime représentatif, ainsi elles servent d’initiation à l’exercice de l’autonomie communale, parce que des délibérations, sous la présidence du starechina, précèdent toute résolution importante. Elles entretiennent et fortifient le sentiment familial, d’où elles bannissent les cupidités malsaines qu’éveillent les espoirs de succession. Quand les couples associés se séparent, par la dissolution de la communauté, souvent ils vendent leurs biens et tombent dans la misère. Mais, dira-t-on, si les zadrugas réunissent tant d’avantages, d’où vient que leur nombre diminue sans cesse ? L’idée que toute innovation est un progrès s’est tellement emparée de nos esprits, que nous sommes portés à condamner tout ce qui disparait. J’en suis revenu. Est-ce l’âge ou l’étude qui me transforme en laudator ternporis acti ? En tout cas, ce qui tue les zadrugas, c’est l’amour du changement, le goût du luxe, l’esprit d’insubordination, le souille de l’individualisme et les législations dites « progressives » qui s’en sont inspirées. J’ai quelque peine à voir en tout ceci un véritable progrès.

Au retour, j’admire de nouveau la beauté des récoltes. Les fromens sont superbes. Presque pas de mauvaises herbes : ni bluets, ni coquelicots, ni sinapis. Le maïs, intercalé dans l’assolement, nettoie bien la terre, parce qu’il exige deux binages. Je ne vois dans les environs du village rien qui annonce qu’on s’y livre à des jeux, et je le regrette. La Suisse est sous ce rapport, comme sous beaucoup d’autres, un modèle à imiter, surtout parmi des populations comme celles-ci, dont les mœurs simples ont tant de rapports avec