douce, avec une pointe de mélancolie ; et les beaux vers qui le composent, d’un tour si net et d’un mouvement si aisé, ont jailli sans effort du cœur du poète, car ils traduisaient l’état de son âme. Enfin, Molière supposait les sentimens d’Armande, ou plutôt il lui indiquait, sous le couvert d’une allusion transparente, ceux qu’il désirait qu’elle eût lorsqu’il montrait Léonor excédée de tous « ces jeunes fous » qui « la raillent sottement sur l’amour d’un vieillard, » et déclarant qu’elle préfère de beaucoup cet amour à « tous les beaux transports de leurs jeunes cervelles. » Si une jeune fille peut parler ainsi d’un « vieillard » qui recherche sa main, à plus forte raison peut-elle consentir sans effroi à devenir la femme d’un homme jeune encore, dans la maturité de l’âge. Tout, dans ce rôle de Léonor, par la raison sereine et l’honnêteté virile qu’il respire, laisse voir quel caractère, quelle plénitude de consentement Molière eût souhaité chez celle qu’il allait épouser.
L’École des maris est du 24 juin 1661. Dès le mois d’avril précédent, Molière avait fait part à ses camarades de ses projets de mariage et pris ses mesures comme directeur. Sœur et femme de comédiens, Armande devait naturellement être comédienne ; aussi Molière s’inquiétait-il, au début d’une nouvelle année théâtrale, de lui assurer une place dans la troupe. A la rentrée, La Grange écrivait sur son registre : « Avant que de recommencer, après Pâques, au Palais-Royal, M. de Molière demanda deux parts au lieu d’une qu’il avait. La troupe (les) lui accorda, pour lui ou pour sa femme s’il se mariait. » Le contrat de mariage fut signé, le 23 janvier 1662, dans la maison de Marie Hervé, rue Saint-Thomas-du-Louvre. Molière se présentait assisté de son père, Jean Poquelin, et de André Boudet, beau-frère de celui-ci. Marie Hervé, « veuve de feu Joseph Béjart, écuyer, sieur de Belleville, » stipulait pour sa fille Armande-Grésinde-Claire-Elisabeth Béjart. Les futurs époux adoptaient le régime de la communauté, tout à l’avantage d’Armande. Marie Hervé promettait de donner à sa fille, « la veille des épousailles, la somme de 10,000 livres tournois, dont un tiers entrerait dans la communauté et les deux autres tiers demeureraient propres à la future épouse et aux siens de son côté et ligne. » On sait ce qu’il faut penser de cette dot, et pourquoi, si elle a vraiment été payée, elle dut venir de Madeleine Béjart ou de Molière lui-même. Celui-ci, de son côté, constituait à sa future 4,000 livres tournois de douaire. Un mois après, le lundi 20 février 1662, le mariage était célébré à Saint-Germain-l’Auxerrois, en présence des mêmes parens, de Madeleine et Louis Béjart, « et d’autres, » qui ne sont pas désignés nommément et dont la signature ne figure pas au bas de l’acte.
A la seule lecture de ces deux pièces, contrat et acte de