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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/937

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Aux remarques douloureuses que nous avons dû faire il faut cependant en ajouter une autre. Comment hésiter à reconnaître que plus d’une fois, au Salon, le visiteur qui s’est senti attiré par un tableau personnel, original, par une note d’art nouvelle et inattendue s’est trouvé, vérification faite, en présence de l’œuvre d’un étranger ? C’est M. Normann, le peintre norvégien, qui nous captive avec un tableau Scandinave dans lequel, au pied de montagnes rugueuses, s’étale un lac transparent comme le lac miroir et que le catalogue appelle Sognefjord. C’est M. Otto Sinding, autre peintre norvégien, dédiant un poème lumineux à des Lapons saluant après une longue nuit d’hiver le retour du soleil. C’est M. Uhde qui expose un tableau d’un sentiment si profond, si naïf, si délicat : Laissez venir à moi les petits enfans ! C’est M. Bergh (de Stockholm) qui nous conduit en Suède à la tombée du soir. C’est M. Friese, peintre allemand, qui a envoyé à Paris une toile de connaisseur intitulée : Brigands du soir, deux lions guettant leur proie. C’est encore, pour ne pas prolonger ces citations, un peintre d’histoire, M. Casanova y Estorach, qui a peint les Derniers Momens de Philippe II dans le palais de l’Escurial. L’auteur appartient à cette école espagnole contemporaine dans laquelle la peinture d’histoire est en honneur, qui compte parmi ses chefs M. Pradilla, le peintre de Jeanne la Folle, et où se rencontrent un grand nombre de peintres consciencieux, trop dramatiques peut-être, mais remarquables par la vigueur et la hardiesse, école florissante en Espagne et qui a été influencée dans des proportions diverses par les traditions locales, par l’action de la France et de la Belgique et par Fortuny, ce maître peintre.

Qu’on ne nous accuse pas toutefois d’avoir, comme les Espagnols, peint trop noir. Il est des vérités consolantes pour notre orgueil national, que nous nous sommes réservées, touches claires et joyeuses destinées à disperser les ombres un peu épaisses peut-être de notre tableau du Salon. Et d’abord le triomphe de nos paysagistes et de nos peintres de portraits. Le paysage et le portrait sont deux genres essentiellement nationaux. Ils échappent à la patiente analyse, mais comment ne pas proclamer avec reconnaissance que Rousseau, Millet, Corot, Chintreuil, Jules Dupré, ont encore des disciples parmi nous ? Comment ne pas citer l’admirable paysage de M. Harpignies ? Comment taire les noms de quelques-uns de ceux qui, avec des données diverses, représentent dignement au Salon le paysage français : MM. Hanoteau, Binet, Defaux, Julien Dupré, Petit-Jean, Olive, Demont et vingt autres que nous oublions ? Et les portraits I N’est-ce pas finir sur un lieu-commun que de rappeler le triomphant, l’incomparable portrait de M. Paul Dubois ? que d’honorer la