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GEORGE ELIOT

Œuvres complètes. — George Eliot’s Life, par J.-W. Cross. Londres, 3 vol. ; William Blackwood. — George Eliot, par Mathilde Blind. Londres, I vol. ; Allen.

La vie que nous allons raconter est pauvre en événemens et n’a rien de ce qui séduit et retient la curiosité de la foule. Je crois que, si George Eliot avait été un homme, on se serait contenté de connaître l’écrivain par ses œuvres ; mais dès que le mot génie est prononcé à propos d’une femme, l’intérêt s’éveille et avec raison. Une femme de génie, même contestée, est une apparition trop rare pour ne pas mériter toute notre attention, et si George Eliot a eu contre elle, dans son propre pays, l’opinion de juges tels que MM. Swinburne, Matthew Arnold, Ruskin et Disraeli, beaucoup d’autres, là-bas ou ici, l’ont comparée à Shakspeare ou placée sur la même ligne que Goethe ; deux de ces exagérations formidables auxquelles leurs auteurs eux-mêmes ne croient qu’à moitié, mais qui n’en donnent pas moins envie d’étudier de près celle qui les a provoquées. Nous n’avons pas, pour notre part, à juger George Eliot écrivain, n’en ayant sans doute que peu de chose à dire après la délicate et pénétrante étude que lui a consacrée ici-même M. Emile Montégut[1] : c’est la femme, la femme seule qui va nous occuper.

George Eliot s’est attachée dans ses livres à nous faire sentir que toutes nos actions nous suivent dans la vie, et que leurs influences combinées forment pour une grande part ce que nous appelons à

  1. Revue du 1er et du 15 mars 1883.