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l’objet de la mission confidentielle de M. Meade. Nous avons maintenant deux versions de l’entretien dans lequel M. Meade proposa au chancelier un règlement général de toutes les questions coloniales, l’une dans une dépêche de M. de Bismarck au comte Munster, en date du 25 décembre, et l’autre, dans le rapport de M. Meade que lord Granville a publié, au grand mécontentement, réel ou feint, de M. de Bismarck. Elles ne diffèrent point sensiblement, et toutes deux s’accordent sur ce point que le chancelier aurait exprimé la conviction que les tendances du ministère des colonies, à Londres, étaient en contradiction avec les assurances plusieurs fois réitérées par lord Granville du bon vouloir de l’Angleterre à l’égard des aspirations coloniales de l’Allemagne. A son tour, le chef du foreign office informa le comte Munster que le cabinet avait délibéré sur cet incident qui causait une tension extrême dans les rapports entre la métropole et les colonies, et que lord Derby avait été autorisé à répondre aux questions des gouverneurs australiens que l’occupation allemande s’était effectuée sans avis préalable au gouvernement anglais, et que la question tout entière faisait l’objet de négociations entre les deux cabinets. Sur quoi, dès le 5 janvier 1885, M. de Bismarck envoya, au comte Munster une longue et violente dépêche remplie de sarcasmes à l’adresse de lord Granville ; il y maintenait l’interprétation donnée par lui à la communication de M. Scott en date du 9 octobre, à savoir que la promesse expresse faite par le gouvernement anglais de restreindre le protectorat britannique à la côte sud impliquait l’assurance que l’annexion de la côte nord par l’Allemagne ne préjudicierait à aucun intérêt anglais. Quant à la déclaration que lord Derby avait été autorisé à faire aux autorités australiennes, elle était en contradiction avec les communications que le comte Munster avait été invité à faire par une dépêche du 2 août 1884, et qui faisaient très distinctement pressentir l’intention de l’Allemagne de placer la côte nord de la Nouvelle-Guinée sous sa protection. M. de Bismarck ne se contenta pas d’écrire : il voulut mettre publiquement le marché à la main au cabinet anglais. Prenant, une troisième fois, la parole au sein du Reichstag, qu’il avait entretenu pendant deux jours consécutifs de ses visées coloniales, il fit connaître à cette assemblée, le la janvier, que des troubles avaient éclaté dans deux des nouvelles possessions allemandes : aux Cannerons, sur la côte d’Afrique, les désordres avaient été réprimés par les équipages des stationnaires, mais à la Nouvelle-Guinée des agens allemands avaient été expulsés, et on avait lieu de croire que les colons de la Nouvelle-Zélande se disposaient à annexer les îles Samoa. Le chancelier voyait dans tous ces incidens la main