impérieuse grandeur, qu’elle s’écrie comme eux et du même ton : « L’état, c’est moi. »
M. Sorel a esquissé à grands traits, dans son premier volume, les lignes principales de la démonstration qu’il se promet de nous fournir en racontant les événemens. Dans quelques pages saisissantes, qui font autant d’honneur au talent de l’écrivain qu’à la clairvoyance dupenseur.il a résumé les traditions de la vieille France et prouvé qu’en matière de politique extérieure, la révolution française a eu les mêmes règles de conduite, que dans la plupart de ses entreprises elle consulta les précédens, qu’elle entendit fonder sa grandeur sur les exemples bons ou fâcheux que lui avaient donnés des rois. Il nous rappelle que la politique des Capétiens eut pour objet tout à la fois de former une nation homogène, un état cohérent et d’assurer à la France ses vraies frontières, telles que semblait les indiquer l’histoire ou la légende. On les appellera plus tard les frontières naturelles, mais en ce temps on se souciait peu de la nature et beaucoup de Charlemagne, dont l’impérissable souvenir, comme un ferment mystérieux, faisait travailler la tête de nos rois, après quoi ils revenaient à leur bon sens et contenaient leurs désirs dans la borne toujours étroite du réel et du possible.
Enfermée par l’océan, par la Méditerranée, par les Alpes, la France ne pouvait s’étendre que vers l’est et vers le nord, dans les Flandres et dans les pays qui formaient les royaumes de Bourgogne et de Lorraine. On ne sera content que le jour où, d’annexion en annexion, on aura atteint les bords du Rhin et rassemblé en corps de nation tous les peuples de l’ancienne Gaule. Cette pensée qu’on se transmet de père en fils acquiert par degrés la rigueur tenace d’un calcul héréditaire, aussi fixe, aussi immuable que celui de l’abeille qui nait avec le ferme vouloir de construire des alvéoles hexagones où elle déposera son miel et son couvain. « Nos rois et leurs conseillers laissent aux poètes les grands rêves et les exploits légendaires de Charlemagne. Ils s’en tiennent à la partie de l’héritage qui se trouve sous leurs prises, et dès qu’ils se sentent ’es mains libres, ils les étendent de ce côté. Le roi a réuni les soldats, les légistes ont compulsé les textes : le procès diplomatique et l’exécution militaire peuvent commencer. »
Mais les rois de France ne sont pas tous des sages et, pour notre malheur, le roman s’est fait plus d’une fois sa part dans notre histoire. On voit paraître, par intervalles, des souverains qui sacrifient à leur vanité, à leur ambition déréglée les vrais intérêts du royaume. Ils méprisent les guerres de frontières, « les guerres communes, » qui sont pourtant les véritables « guerres du roi. » Ils cherchent leur gloire et leur plaisir dans les aventures merveilleuses, dans les expéditions épiques, dans les conquêtes d’empires, dans ce qu’on appelait