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encore dans l’enfance ; son art ne s’élève guère au-dessus de l’ornement géométrique, sauf quand il travaille à copier plus ou moins gauchement des types et des motifs d’origine orientale. C’est ce dont nous nous rendrons compte en suivant pas à pas M. Helbig dans l’enquête qu’il a ouverte et poursuivie avec une science si sûre, avec une critique si bien informée et si pénétrante.


II

Avant d’étudier l’homme d’Homère dans son équipement de guerre ou de paix et dans la diversité de ses occupations manuelles, on se préoccupe de le replacer dans son cadre, de savoir comment étaient bâties et aménagées sa maison et sa ville. M. Helbig fait à ce propos une curieuse observation. Tirynthe et Mycènes possèdent de puissantes murailles, construites les unes en gros quartiers et les autres en pierres dont les faces sont dressées à l’outil. A Mycènes même, et, en Béotie, à Orchomènes, dans ces bâtimens à coupole que Pausanias appelle des Trésors, bâtimens qui doivent avoir été des tombes, l’art de tailler et d’appareiller la pierre est déjà poussé très loin ; encore étrangers au principe de la voûte, les constructeurs de ces édifices ont su en obtenir l’apparence, au moyen d’assises posées en encorbellement, qui, à mesure qu’elles sont placées plus haut, décrivent des cercles d’un plus court rayon. Les angles ont été rabattus et la face interne de chaque pierre a été creusée de manière à concourir au tracé d’une courbe qui est circulaire dans le plan horizontal et elliptique dans le plan vertical. Il y a là une sorte de trompe-l’œil qui témoigne d’une grande habileté chez l’architecte et chez l’ouvrier ; on a d’ailleurs obtenu ainsi une solidité remarquable, car plusieurs de ces monumens, à Mycènes, sont encore très bien conservés.

Nulle part au contraire, ni dans l’un ni dans l’autre des deux poèmes, il n’est question d’un mur de ville bâti en pierre. Le seul ouvrage de défense auquel le poète fasse de nombreuses allusions, c’est celui qui protège le camp des Grecs ; or on ne saurait se méprendre à la manière dont il en parle dans le chant où est raconté le Combat devant les vaisseaux : il se le figure certainement comme formé d’un fossé profond, puis d’un rempart dont la matière a été fournie par la terre qu’ont rejetée devant eux, sur un amas de pierres et de souches d’arbres, les bras qui ont creusé cette tranchée. Pour donner au talus plus de solidité, un rang de palissades en garnit la face interne ; quant aux tours qui flanquent les portes, elles sont en bois, faites de planches et de grosses poutres. Troie est aussi conçue comme entourée de murailles ; mais celles-ci, dans l’Iliade, n’ont pas d’attaque à soutenir ; il en résulte que le poète