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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/348

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que plusieurs de ces clauses étaient devenues onéreuses aux États-Unis, et que l’Angleterre aurait mauvaise grâce à vouloir maintenir un contrat qui ne répondait plus aux exigences de la situation présente. Lord Granville se contenta de répondre, avec une pointe d’ironie, que les traités étaient faits pour être observés, et que, s’ils devaient perdre toute force et cesser d’exister du jour où ils cesseraient de convenir à l’un des contractans, ce serait perdre son temps et sa peine que d’en conclure aucun.

Le cabinet de Washington résolut de passer outre et entra en négociations avec le gouvernement du Nicaragua en vue de la création d’un canal qui emprunterait le cours de la rivière San-Juan et se dirigerait vers le lac Ragua, situé à 110 pieds au-dessus du niveau de la mer et redescendrait vers le Pacifique au moyen de six larges et profondes écluses. Aux termes du traité qui a été conclu, le canal sera construit par le gouvernement américain, qui fournira le capital nécessaire, évalué à 150 millions de dollars ; qui fixera le tracé, le point de départ et le point d’arrivée ; et qui pourra établir également, à côté du canal, un chemin de fer et une ligne télégraphique. Le Nicaragua cède aux États-Unis tous les terrains nécessaires à l’établissement du canal, du chemin de fer et de la ligne télégraphique ; mais les particuliers à exproprier seront indemnisés par les États-Unis. Le canal sera la propriété des deux gouvernemens qui en auront à titre égal l’administration et qui arrêteront de commun accord le péage à percevoir. Enfin, les États-Unis garantissent l’intégrité territoriale du Nicaragua et prennent l’engagement de protéger et de défendre le canal et ses dépendances contre toute attaque du dehors et tout empiétement étranger. Il est impossible, on le voit, de méconnaître plus complètement l’esprit et les termes du traité Clayton-Bulwer. Malheureusement pour les promoteurs de cette affaire, les négociations infructueuses avec l’Angleterre avaient fait perdre quelques mois et le traité ne put être prêt à temps. Il ne fut signé que le 1er décembre 1884, lorsque l’élection de M. Cleveland était un fait accompli. Néanmoins, le président Arthur l’adressa au congrès, dès l’ouverture de la session, en l’accompagnant d’un message explicatif, où il exposait la nécessité d’une voie de communication par mer entre les côtes du Pacifique et celles de l’Atlantique. Il faisait valoir que l’Europe et l’Asie sont plus proches, l’une de New-York et l’autre de la Californie, que ces deux états ne le sont par la voie de mer, à cause du périple à accomplir par le cap Horn autour de l’Amérique méridionale. Un pays comme les États-Unis ne saurait laisser subsister une pareille situation : il possède 10,000 milles de côtes sur chacun des deux océans : sa population, à la fin du siècle,