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donnait à chaque membre de la famille, marquait la hiérarchie des sentimens et des devoirs entre le mari et la femme, les parens et les enfans, le frère et la sœur. La famille, avec ses serviteurs et ses esclaves, était le cadre naturel de la société ; l’autorité de son chef, la seule forme de gouvernement. Sans doute, les rameaux d’une même famille, en se séparant, gardaient l’attache au tronc commun, et il arriva, même dans ces temps reculés, que des groupes associés formèrent comme une première ébauche d’un peuple ; mais plus l’association s’éloignait du point de départ, plus faible était le lien qui en unissait les parties. L’esprit de ces ancêtres travaillait à la solution des grands problèmes, il cherchait Dieu et il avait trouvé une religion : c’était la poésie de la nature, ressentie par des âmes jeunes, faciles à l’admiration et plus encore à la terreur. Les forces grandes et petites, l’astre et la source, la tempête et la brise, tous les phénomènes auxquels est attentif l’homme encore proche de l’état de nature, le silence des bois, le vol et le chant des oiseaux étaient dieux ou manifestations divines. Le contraste de l’utile et du nuisible, du jour et de la nuit, de l’hiver et du printemps avaient fait naître l’idée d’une lutte perpétuelle entre les bons et les mauvais esprits. les dieux habitaient la maison comme ils animaient la nature. Ils présidaient à tous les actes de la vie ; chaque famille, chaque peuple avait son ancêtre surhumain, et les familles qui gardèrent cette généalogie divine devinrent plus tard des dynasties.

Tous les peuples de la race aryenne emportèrent dans les patries nouvelles ces germes d’une civilisation : l’éclosion en fut plus ou moins rapide, selon la nature du sol où ils les déposèrent.

La péninsule hellénique est baignée par la mer qui a vu naître et mourir les civilisations anciennes. Elle déplie son rivage devant la Méditerranée, la recevant dans ses golfes et y poussant ses promontoires. Des îles disséminées à de courtes distances semblent montrer le chemin au Grec vers l’étranger et à l’étranger vers la Grèce. Quand les tribus aryennes occupèrent ce pays, l’Egypte, toute proche, avait depuis longtemps sa société organisée, ses monumens, sa religion et la sagesse de ses prêtres. La Phénicie envoyait sur les côtes helléniques ses marchands, porteurs des deux grands instrumens d’échange : la monnaie et l’alphabet. Enfin les Hellènes établis sur les côtes de l’Asie-Mineure furent les élèves des peuples civilisés de l’Asie continentale. Les Aryens de Grèce eurent donc pour maîtres les premiers sages, les premiers ouvriers, les premiers artistes, les premiers manieurs d’argent de l’humanité. La conformation de leur pays, l’étroitesse des bassins fluviaux, l’enchevêtrement des vallées opposées les unes aux autres et dominées par des plateaux morcelaient en peuples la