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étaient entrés en supplians dans l’empire avaient été assurément d’incommodes serviteurs : ils avaient quitté les rives du Danube, pillé la Grèce, l’Asie, l’Italie, visité Athènes, pris Rome, puis erré dans la Gaule méridionale et l’Espagne. Figurons-nous, dans la France déshabituée de la guerre, des tribus d’Arabes employées à la défense de notre sol, les chefs comblés d’honneurs, faits généraux et maréchaux, les hommes soldés et nourris, tout un petite peuple étranger d’humeur indépendante, incapable de discipline, mais incapable aussi de faire autre chose que servir, toujours en quête de cantonnemens meilleurs, et traînant ses smalas de province en province, les chefs réclamant de plus grands honneurs, la tribu de plus amples distributions de vivres et d’or : tels étaient les Wisigoths ; souvent révoltés, ils retombaient toujours dans l’obéissance, et c’est Constance encore, qui, en l’an 419, « leur a donné, pour l’habiter, la seconde Aquitaine. »

Les Burgondes et les Wisigoths étaient alors, à proprement parler, des corps d’armée impériaux cantonnés dans les provinces, car les soldats romains, dans les derniers temps de l’empire, étaient logés chez les propriétaires, et la loi leur assurait la jouissance d’une partie de la maison qui leur devait l’hospitalité. Il est vrai que, dans les désordres du v° siècle, il ne fut plus possible de distribuer aux barbares l’annone qui nourrissait le soldat ; aussi fallut-il leur donner une part de la maison et du domaine, et ils devinrent ainsi des propriétaires. Il est vrai encore que ces armées étaient des peuples commandés par des rois, qui avaient un gouvernement et une politique, choses inconciliables avec l’obéissance militaire ; aussi obéissaient-ils très mal. Si les Burgondes s’étaient répandus dans la vallée du Rhône, sans violence et du gré des provinciaux eux-mêmes, les Wisigoths furent plus entreprenans, et il fallut les contenir les armes à la main ; mais lorsque les Huns envahirent la Gaule, l’empereur écrivit au roi des Wisigoths : « Venez au secours de la république dont vous êtes membre, » et Théodoric alla se faire tuer dans la grande bataille livrée contre Attila. Quant aux Burgondes, ils obtempérèrent sans tarder à l’ordre de mobilisation que leur envoya le maître de la milice, Aétius. Même après que la retraite de l’empire a donné aux rois barbares l’indépendance, les Wisigoths n’ont point perdu le respect de la majesté impériale, et les Burgondes s’obstinent à n’être que d’humbles serviteurs ; le dernier de leurs rois écrit à l’empereur dans les premières années du VIe siècle : « Ma race est votre servante, et mon peuple est à vous ; il me plaît moins de lui commander que de vous obéir ; mes ancêtres ont toujours cru recevoir leur illustration des titres que leur tendait la main de Votre Altesse ; toujours ils ont estimé à plus