Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Une Rupture, comédie en 1 acte, de M. Abraham Dreyfus.

En été, j’aime les petits plats : me voilà servi à souhait par la Comédie-Française. Une Rupture, de M. Abraham Dreyfus, n’est qu’une bouchée à peine ; c’est léger, sain et de saveur fine : ô l’agréable en-cas pour cette écœurante saison ! En trois lignes marquons l’intrigue : M. Raymond Cordier remet sous enveloppe les lettres de Mme de Maussans, une jeune veuve ; il apprend qu’elle les a reprises sans mot dire et il s’en indigne ; il la revoit et il l’épouse. C’est le Dépit amoureux que je vous conte là ?.. L’auteur a prévu le rapprochement : — « Pourquoi la reverrais-je ? dit son héros. Pour retomber dans la grande scène du Dépit amoureux ? Mais je l’ai jouée vingt fois cette scène ? Cela ne m’amuse plus. » — Il la joue cependant une fois encore, et le public s’en amuse. C’est que certaines comédies du cœur, pour le fond, sont de tous les temps, et qu’il suffit d’en rajeunir les mœurs pour divertir la génération qui survient : or, les mœurs, dans cette petite pièce, sont excellemment modernes. Si, d’ailleurs, l’écrivain dramatique atteint ce fond même par un biais nouveau, il semble qu’il l’ait renouvelé : c’est justement l’heureuse fortune de M. Dreyfus. Plutôt que d’aborder tout droit ce dépit amoureux, il en observe les alentours ; il en regarde les effets sur l’amitié. Brimonière est l’ami de Raymond Cordier ; vous ne trouverez pas Brimonière auprès d’Éraste ; par Brimonière cette comédie est neuve, et M. Dreyfus, s’il tire son second cru d’où Molière tirait son premier, boit pourtant dans son verre.