gaîment et élégamment mené la campagne électorale pour son mari à Woodstock, dans le bourg des Marlborough. Lady Randolph Churchill a réussi, comme autrefois la duchesse de Devonshire. Bref, on n’en est plus aux préliminaires, les conservateurs sont aujourd’hui au pouvoir ; ils se sont trouvés ramenés au gouvernement au moment où ils s’y attendaient le moins et où les affaires de l’Angleterre ne sont pas précisément dans les conditions les plus favorables, les plus faciles. Il s’agissait d’abord de savoir s’ils n’allaient pas être arrêtés ou contrariés dès les premiers pas par l’attitude de M. Gladstone et de la majorité libérale dont il dispose visiblement encore dans la chambre des communes. Sur ce point, le grand vieillard s’est exécuté de bonne grâce, il s’était à peine engagé dans les négociations qui ont précédé la formation du cabinet, il avait voulu réserver sa liberté et la liberté de son parti : il a tenu plus qu’il n’avait promis. M. Gladstone s’est expliqué devant le parlement, en homme sérieux, décidé à ne créer aucun embarras, à laisser le champ libre au gouvernement jusqu’aux élections. Le ministère tory a, par le fait, quelques mois devant lui, et ce n’est pas trop, à vrai dire, s’il veut régler à demi toutes ces affaires de l’Afghanistan, de l’Egypte, dont il a reçu le lourd et épineux héritage des mains des libéraux empressés à le lui transmettre.
Quelle sera la politique du nouveau ministère sur les deux ou trois grandes questions qui ont ému l’Angleterre depuis quelque temps, qui mettent en jeu ses plus sérieux intérêts ? Le chef du cabinet, lord Salisbury, a exposé ses vues, ses idées sur l’Afghanistan aussi bien que sur l’Egypte dans un discours qui ressemble à un programme, qui est tout au moins un résumé des faits tels qu’ils apparaissent aujourd’hui, et il a tracé cet exposé avec autant d’habileté que de franchise, sans rien dissimuler, sans rien exagérer. Il n’a pas caché que les tergiversations du dernier cabinet avaient créé au nouveau gouvernement une situation singulièrement difficile, qu’il se considérait comme lié par les négociations engagées avec la Russie au sujet de l’Afghanistan, et, de son langage aussi bien que du langage de M. Gladstone, il résulterait qu’il y a déjà un commencement d’accord entre les cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg. L’Angleterre aurait pris son parti de l’établissement des Russes à Penjdeh ; la Russie, de son côté, ne refuserait pas de laisser à l’Afghanistan le défilé de Zulfikar si vivement disputé jusqu’ici. Les négociations ne sont pas terminées, elles sont du moins suivies dans des intentions amicales. Le ministère conservateur ne retire rien des concessions déjà faites. On ne revient pas sur le passé, mais ce qu’il y a de nouveau ou de caractéristique dans les déclarations de lord Salisbury, c’est la résolution que prendrait dès ce moment l’Angleterre de renoncer à ses anciennes idées sur l’Afghanistan. Il n’est plus question de la zone neutre qui devait être